Un Couteau dans le cœur : du cuir en mousse

Un Couteau dans le cœur : du cuir en mousse

CRITIQUE FILM - Après « Les Rencontres d’après minuit » présenté à la Semaine de la Critique, Yann Gonzalez a effectué un grand bon en avant jusqu'en compétition officielle cette année à Cannes. « Un Couteau dans le cœur » est un thriller érotique avec Vanessa Paradis situé dans le milieu du cinéma porno parisien, à la fin des années 70.

En 1979, à Paris, Anne (Vanessa Paradis) est une réalisatrice de porno gay qui tente de recoller les morceaux de sa relation passée avec Lois (Kate Moran), sa monteuse. Mais un mystérieux tueur en série, qui transperce les corps de ses victimes avec un gode couteau, s’en prend à ses plus jeunes acteurs. Alors en plein tournage de son nouveau film « Fureur Anale », qu’elle rebaptise « Le Tueur Homo », Anne voit ses acteurs se faire assassiner un à un. Alors que la police ne fait pas grand-chose pour résoudre l’affaire, Anne se met elle-même en quête de ce violent meurtrier. Son seul indice : une plume d’oiseau retrouvée sur les scènes de crime.

Après Les Rencontres d’après minuit, comédie érotique où l’on ressentait déjà les inspirations fantasmatiques de l’univers Giallo en toile de fond des logorrhées existentielles d’Eric Cantona, de Niels Schneider et des autres, Yann Gonzalez s’y plonge cette fois-ci corps et âme et inscrit son Couteau dans le cœur directement dans ce qui n’avait été que balayé. En cela, il semble y perdre l’originalité discrète qui se nichait jusqu’alors entre deux lignes de dialogues : le fantasme. La logorrhée orale est transformée ici en une exubérance formaliste où tous les micro-effets essaient de s’imposer comme de véritables événements d’images. Mais la multiplication de ces motifs et de ces fétiches visuels finit par, justement, en annihiler la sensation et ne permet plus, dans sa frontalité formelle, de pouvoir fantasmer le film.

La Chasse

Paradoxalement, Un Couteau dans le cœur est même un film très limpide dans sa profusion et plutôt clair dans le chaos au sein duquel il s’organise sagement. Et en se reposant en trop grande partie sur ses propres références et sur ses nombreuses citations au cinéma de Brian De Palma, Dario Argento, Rainer Fassbinder, Mario Bava ou même William Friedkin (le tueur de gays dans La Chasse) et Robert Bresson (un poster des Quatre nuits d’un rêveur), Yann Gonzalez a tendance à perdre pied dès qu’il s’agit de donner de la substance à ce decorum chico-nostalgique dont l’univers, bien connu, finit par lasser dans son ostentation permanente de belles parures. Un Couteau dans le cœur cumule des attributs trendy qui tournent en rond. Culture queer cuir libérée, kitsch assumé, film de genre français, casting monté comme une belle vitrine : on finit par attendre que le film dévie de cette playlist arty-branché.

Car à quoi bon se libérer si c’est pour finir par s’enfermer soi-même dans un tel schématisme ? Même l’orientation du film vers le négatif (lorsque Anne rêve), inversant les tonalités blanches et noires et qui renvoie l’analogie entre l’orgasme et la mort (la jouissance s’exprimant, pour le tueur masqué, par le meurtre sanglant), est répétée jusqu’à la nausée. Apothéose médiatique de la culture camp remise au goût du jour, entre autres, par Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico (qui tient un rôle secondaire dans le film), Un Couteau dans le cœur de Yann Gonzalez est une amère déception. On pensait trouver un film libéré et détonnant au sein d’une compétition officielle cannoise très guindée. Au final, Un Couteau dans le cœur, malgré ses apparences de film punk (extraits de films porno, érotisme des corps et costumes loufoques), est un énième programme déroulant les références qui ont bonne cote. Pas sûr que ce second long de Gonzalez n’en deviennent lui-même une à l’avenir.

 

Un Couteau dans le cœur de Yann Gonzalez, présenté en compétition officielle à Cannes, en salle le 27 juin 2018. Ci-dessus la bande-annonce.

Conclusion

Note de la rédaction

Guindé par une ambition trop sérieuse de surpasser la série B dans laquelle il s'inscrit, « Un Couteau dans le cœur » de Yann Gonzalez ne dénote jamais de son programme chic, pâtissant au passage d'un manque criant de sensualité.

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Note spectateur : Sois le premier