Criminal : une série policière entre quatre murs

Criminal : une série policière entre quatre murs

CRITIQUE/AVIS SÉRIE - Les salles d'interrogatoires sont le sujet principal de "Criminal", une série Netflix co-produite par 4 pays, dont la France. Dans le fond et dans la forme, y a-t-il quelque chose à tirer d'intéressant de cette proposition au concept restrictif ?

Les fictions criminelles ou les documentaires judiciaires sont l'une des grosses parties du catalogue Netflix. Début septembre, encore, on a pu découvrir la magnifique série Unbelievable. On notait dans notre critique qu'elle était d'une précision redoutable dans sa retranscription de la gestion d'une enquête, en essayant de décrire avec un réalisme pointu comment se déroulaient les multiples procédures. Il est donc intéressant d'accueillir dans la foulée une série comme Criminal, exclusivement centrée sur le travail des policiers dans le cadre d'une salle d'interrogatoire.

La saison est un peu particulière puisqu'elle est le fruit d'une collaboration entre quatre pays européens : la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Allemagne. Chaque nation délivre trois épisodes, pour un total de 12. Avant de rentrer en profondeur dans le vif du sujet, il faut préciser dans quel contexte nous avons eu accès à la série en avant-première. Seuls les trois épisodes français ont été mis à notre disposition, ce qui empêche d'avoir une vue générale sur la cohérence de toute la série. C'est néanmoins largement suffisant pour cerner les intentions et avoir de la matière à étudier.

L'équipe locale, en tout cas, donne confiance puisqu'on retrouve à la réalisation Frédéric MermoudAntonin Martin-Hilbert et Mathieu Missoffe. Des valeurs sûres dans le paysage télévisuel français. Devant la caméra, les forces convoquées ne sont pas non plus négligeables : Nathalie BayeSara Giraudeau et Jérémie Renier sur le banc des accusés, face à Margot Bancilhon, Laurent Lucas, Stéphane Jobert, Anne Azoulay et Mhamed Arezki. On passera rapidement sur le jeu des acteurs, tous très convaincants dans ce qu'ils doivent faire, avec une mention spéciale pour les trois suspects.

Des scénarios forts

Le premier épisode se concentre sur une victime des attentats du Bataclan rappelée pour faire la lumière sur certains détails, le second parle d'un accident dans le secteur du BTP et le troisième traite d'une agression à caractère homophobe. Trois sujets ancrés dans notre époque, qui résonnent avec l'actualité. Et c'est déjà fort que Criminal ne soit pas un objet purement conceptuel qui s'apparente à un exercice de style et qu'on y retrouve des points d'accroche pour pénétrer immédiatement dans les histoires. Il le fallait, que ces trames soient fortes, pour qu'on accroche aux enjeux se déroulant entre quatre murs. On pouvait avoir la crainte que les postulats soient trop faibles pour maintenir la tension dans la dramaturgies et ne pas faire flancher le concept. Si celle-ci ne suit jamais la même courbe, elle joue globalement sur des schémas assez similaires avec des renversements de vapeur, des révélations et des désillusions pour les deux camps. C'est largement suffisant pour trois épisodes mais on attend quand même de voir si les 12 épisodes pourront, par petites touches, renouveler les éléments communs.

L'envie de sonner réaliste est particulièrement à noter et participe à notre implication dans ce qui se déroule. Sans pour autant avoir une base pour comparer - à moins d'avoir déjà été interrogé dans ces conditions -, on sent qu'un travail de documentation a été fait en amont pour que les interrogatoires ne soient pas déconnectés de la réalité. Les procédures, les méthodes employées, le déroulé ou encore la mise en place scénographique, tout sonne vrai.

Une mise en scène qui tourne en rond ?

Le huis clos est un exercice particulier à tous les niveaux afin d'arriver à tenir un certain niveau sur la durée avec des éléments restreints. Ne pouvant s'extraire des locaux de la police, la narration doit se reposer sur un contenu suffisamment solide puis sur une mise en scène qui ne va pas se cacher. Plus que jamais, dans ce genre, l'emballage formel est scruté avec attention. Parce qu'on ne peut pas se contenter d'empiler les champs-contrechamps au risque de lasser. On comprend en un épisode les mécanismes principaux qui irrigueront la mise en scène.

La salle d'interrogatoire principale se complète avec une pièce secondaire, séparée par une vitre sans tain qui positionne certains personnages comme des purs spectateurs. La caméra se sert allègrement de cet élément, pour jouer sur les reflets, les superpositions. Aussi solides que puissent être les découpages - la maîtrise est perceptible -, on se rend compte que Criminal tourne un peu en rond dans son approche filmique. Les mêmes gros plans reviennent (l'horloge qui tourne, par exemple), les allers-retours entre les deux pièces sont répétitifs, la caméra ne fait que tourner autour d'une table et quatre chaises, les tentatives d'aller créer un sas de décompression dans le couloir ne sont pas toujours réussies.

Si ce constat est faisable après seulement trois épisodes, on craint qu'il ne s'arrange pas dans les neuf suivants. Dans tous les cas, qu'elle démontre des faiblesses ou non sur la durée, la série a une forme qui peut permettre de piocher dedans. Une partie du public n'y sera pas sensible car le degré d'implication est différent que sur un programme dit "traditionnel" avec une narration continue. C'est là que les sensibilités des équipes des autres pays seront déterminantes pour trouver des nouveaux angles. En l'absence de preuves qui l'incrimineront peut-être, le bénéfice du doute est de rigueur.

Criminal créée par Jim Field Smith et George Kay, sur Netflix à partir du 20 septembre 2019. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la rédaction

Le concept du huis clos policier est bien soutenu par des thèmes forts. Reste la question d'une forme un peu redondante, donc moins impactante.

Note spectateur : 2.79 (6 notes)