Paris Police 1900 : la Belle Époque et ses empreintes de violence

Paris Police 1900 : la Belle Époque et ses empreintes de violence

CRITIQUE / AVIS SÉRIE - " Paris Police 1900" est une série à la hauteur de ses ambitions, qui mêle habilement réalité et fiction et dont les multiples points d’entrées sont traités de manière passionnante et tiennent en haleine le spectateur.

Un tournant du siècle d'une rare brutalité

Les trois scènes d’ouverture de Paris Police 1900 donnent indéniablement le « la » d'un rythme haletant qui monte en puissance au fil des huit épisodes. D’emblée, on est plongé dans les affres de la Troisième République, au milieu de cette Belle Époque, dont la série s’évertue à démontrer à quel point elle n’a rien de belle. Car la situation, alors même que l’affaire Dreyfus est rejugée à Rennes en cette année 1899, suscite clivages et violentes polémiques nationalistes et antisémites, que J’accuse avait déjà abordé. Ainsi, l’agression par Jules Guérin (Hubert Delattre), conférencier antisémite à la tête du journal l’Antijuif, d’un kiosquier qui vend des journaux prenant la défense de Dreyfus, symbolise parfaitement cette tension malsaine et brutale.

Paris Police 1900
Marguerite Steinheil (Evelyne Brochu) - Paris Police 1900 ©Canal+

Marguerite Steinheil (Evelyne Brochu), quant à elle, maîtresse de Félix Faure, voit son amant mourir sous ses yeux. Pour survivre, la courtisane n’a alors d’autre choix que d'accepter la proposition du Commissaire Puyrabaud (Patrick D'Assumçao) et de l’Inspecteur Joseph Fiersi (Thibaut Evrard) de leur vendre ses secrets d’alcôve et de devenir leur informatrice. Enfin, l’adultère de l’épouse d’un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur est constaté par le jeune Inspecteur Antoine Jouin (Jérémie Laheurte) et son collègue Morpinet (Jean-Benoît Ugeux).

Dès lors, ce décor brillamment planté, les personnages principaux peuvent évoluer au gré d’un scénario solide écrit par le créateur de la série, Fabien Nury. Les personnages sont tantôt attachants, tantôt écœurants, mais ne laissent jamais indifférents. Sauf peut-être celui de Jouin, dont les actes semblent suffire à comprendre ce qu’il pense. Même si son instinct est bon, il fait des erreurs d’appréciation et est encore en apprentissage des usages du monde des puissants. Timide au sang chaud, on le suppose ambitieux, mais surtout idéaliste. Un idéal à l’image de la police que le Le Préfet Lépine (Marc Barbé) souhaite moderniser en ce tournant du siècle. Il rend ainsi plus mobiles les policiers par la création des fameuses brigades à vélo ou plus rapides dans leurs interventions grâce au téléphone installé dans les commissariats.

Rouflaquettes et compagnie

Lépine profite également des avancées scientifiques de l’anthropométrie dites « bertillonnage », développées par le fameux Professeur Bertillon, dont les créateurs se moquent de la rigidité avec une truculence dans laquelle excelle Christian Hecq. La corruption de la police, plus souvent du côté des puissants et des riches, devient le combat majeur du Préfet. Il a désormais plus besoin d’hommes honnêtes et respectueux, comme le Commissaire Cochefert (Alexandre Trocki) et l’inspecteur Jouin, que de brebis galeuses comme Puyrabaud et Fiersi. Plusieurs œuvres ont déjà évoqué cette période troublée et on pense évidemment à Les Brigades du Tigreadaptation cinématographique de la série par Fabien Nury lui-même, aux séries The Knick, au Bazar de la Charité et on attend avec impatience Eiffel.

Mais dans Paris Police 1900 qui, par certains aspects, fait beaucoup penser à The Alienist, on touche surtout du doigt la violence humaine, celle qui naît de la haine contre les juifs, contre les femmes, contre les pauvres. Car le fil rouge, que donnent à voir avec style et même une certaine élégance les réalisateurs Julien Despaux (pour les 4 premiers épisodes), Frédéric Balekdjian (les 5, 6 et 7) et Fabien Nury (le dernier), c’est bien le sang. Le sang qui coule de la gorge d’un cochonnet que tranche Guérin les soirs de ses conférences haranguant la foule. Le sang qui dégouline de la valise dans laquelle est retrouvé le corps découpé en morceaux d’une jeune femme. Le sang qui s'échappe de la gorge d’un policier sur lequel un suspect a tiré. Ou encore le sang que Jouin a sur les mains et nettoie dans une jarre.

Paris Police 1900
Le Préfet Lépine (Marc Barbé) - Paris Police 1900 ©Canal+

Dans Paris Police 1900, dont les références littéraires certaines (Emile Zola, Alexandre Dumas, Eugène Sue) n'échapperont pas aux amateurs de romans, il est donc question d’enquêtes dans une ville moite, obscure et glauque. Mais aussi de complots, d’espionnage, d’infiltrations, d’anarchistes, de groupuscules, d'abattoirs de la Villette, de paradis artificiels, de trahisons, de chantage, de spiritisme ou de sédition. Si la série détaille très bien la façon dont chacun des personnages réfléchit et agit, elle donne surtout l’opportunité de les faire se rencontrer et de se transformer au contact les uns des autres. Car une série n’est pas totalement réussie si elle ne donne pas à voir l’évolution subtile des héros et la prise de conscience des horreurs dans lesquelles ils se sont vautrés, par choix ou par hasard.

Quand la violence percute l’Histoire

Ce qui est aussi particulièrement réjouissant dans Paris Police 1900, c’est la part belle accordée aux femmes. Il y a celles qui, comme Hélène Chagnole (Astrid Roos), font profil bas et tentent, tant bien que mal, de s’en sortir. Celles qui, comme Marguerite, relèvent la tête pour un peu de pouvoir, au risque de passer pour ce qu’elles ne sont pas. Celles qui, comme Jeanne Chauvin (Eugénie Derouand), décident d’exercer un métier d’homme alors qu’elles n’en n’ont pas encore le droit. Celles qui, comme Madame Lépine (Valérie Dashwood), ont épousé des hommes de pouvoir et se sortent de leur position assignée en se révélant déterminées et dignes de l’admiration de leurs maris.

Ou celles qui, comme Maman Guérin (Anne Benoît) avec ses fils Jules et Louis Guérin (Anthony Paliotti), obtiennent le pouvoir par procuration en mettant en avant leurs fils quelles continuent pourtant à traiter en petits garçons. Car il est beaucoup question d’emprise dans cette série aux méandres scénaristiques d’une grande densité. Outre l’emprise d’une mère sur ses fils, il y a en effet l’emprise mêlée d'intimidation et d’affection du Commissaire Puyrabaud envers l’Inspecteur Fiersi, ou du Comte Sabran (Yann Collette) envers son fils Gabriel Sabran (Christophe Montenez).

Grâce à un récit passionnant et très documenté, des dialogues d’une grande finesse et un casting parfait, dont créateurs, réalisateurs et producteurs ont veillé à ce qu’il mette plus en avant les personnages que les têtes d’affiches, Paris Police 1900 se révèle une série remarquable. Et gageons que pour la saison 2, déjà en cours d'écriture et qui se situera cinq ans après, l’Inspecteur Jouin aura pris de la bouteille.

Paris Police 1900 créée par Fabien Nury, diffusée sur Canal+ à partir du 8 février 2021. Ci-dessus la bande-annonce. Retrouvez ici toutes nos bandes-annonces.

Conclusion

Note de la Rédaction

"Paris Police 1900" offre une plongée fascinante dans le Paris de la Belle Époque reconstitué avec brio et dans lequel des personnages haut en couleur font subtilement cohabiter violence, modernité et émancipation.

Note spectateur : 2.4 (5 notes)