Le Bureau des légendes : une série d’exception

Le Bureau des légendes : une série d’exception

Le 5 avril sort la cinquième et dernière saison du "Bureau des Légendes". Une série française d'exception, qui nous aura tenus en haleine comme peu d’œuvres savent le faire. C'est donc pour nous l'occasion parfaite de revenir sur ce qui fait sa réussite, saison après saison : ses acteurs, sa réalisation, sa narration, bref, un condensé de tout ce qu'on aime dans l'art de la série T.V. !

Sans trop se risquer, on peut affirmer que niveau séries TV, les productions américaines ont apporté ces vingt dernières années une maturité qui élève ce médium au rang d'art incontournable, que ce soit avec la révolution HBO ou l'explosion des plateformes de streaming. Et si la télévision française a une importante histoire concernant le format télévisuel, force est de constater que Le Bureau des légendes s'inspire, dans sa narration comme dans sa production, de la méthode américaine, ce qui ne l'empêche pas d'avoir une identité française tout à fait crédible.

Dans la série , la DGSE n'a rien à envier à la C.I.A., et les aventures de Malotru sont tout autant passionnantes qu'un Jack Bauer à son époque (24 heures chrono) ou qu'une Carrie Mathison (Homeland) plus récemment. Retour donc sur quatre géniales saisons, en attendant de découvrir l'ultime volet d'une série française qui semble mettre tout le monde d'accord ! Si vous n'avez pas encore vu Le Bureau des légendes, attention aux inévitables spoilers présents dans cet article.

Des débuts prometteurs

La première saison du Bureau des légendes a beau laisser entrevoir une très bonne série, dans la lignée des "productions originales Canal +", elle n'est que la première pierre d'un édifice qui se révélera de plus en plus passionnant avec ses saisons suivantes. Dans des interviews, Eric Rochant, créateur de la série, parlait ainsi d'une trilogie - complétée, pour notre plus grande joie, par deux autres saisons -, et il faut dire que les premières mésaventures des agents du DGSE sont très convaincantes.

Guillaume Debailly, répondant sous le pseudonyme de "Malotru", revient de plusieurs années de mission en Syrie, où il était professeur de français. Car dans Le Bureau des légendes, les agents se créent des "légendes", justement, ils se donnent d'autres peaux pour le bien des services de renseignements français. Et c'est une des choses passionnantes qui parcourent le programme : voir ces êtres humains, faillibles donc, revêtir tant bien que mal d'autres personnalités, jusqu'à risquer de perdre pied.

Tel un acteur coincé dans son rôle, Malotru va ainsi apparaître comme un être trouble, pour ses collègues comme pour le spectateur, qui ne sait au début pas vraiment à qui il a affaire. Et lorsque la femme qu'il aime, Nadia Al Mansour, est emprisonnée par les services secrets syriens, notre anti-héros, déjà perdu dans son esprit, n'a pas d'autre choix que de devenir un agent double en collaborant avec la C.I.A ... Le Bureau des légendes est une série complexe, écrite avec brio, ce qui est d'autant plus impressionnant qu'elle arrive (pratiquement) à tenir la cadence d'une saison par an. Des qualités qu'on doit à son créateur et "showrunner", Eric Rochant, qui s'approprie avec réussite les moyens de productions des séries américaines.

Espions et acteurs, quelle différence ?

Dans la saison 2, les intrigues se consolident : Marina Loiseau (Sara Giraudeau) est envoyée en infiltration en Téhéran, et son arc est tout aussi passionnant que celui de Debailly. Car ce qui fait aussi le charme du Bureau des légendes, c'est son ancrage politique fortement contemporain ; malgré le laps de temps entre leur écriture et leur diffusion, les quatre saisons arrivent toujours à capter leur époque - aussi complexe soit-elle. Géo-politiquement, tout semble ainsi crédible, sans pour autant que cela n'impacte les ambitions de la série.

Des moments de pure tension, il y en a de plus en plus dans cette saison, et on tremble littéralement face aux situations auxquelles les protagonistes sont confrontés. Surtout, la saison 2 s'offre un final totalement grandiloquent, Debailly allant confronter, dans une mission suicide - en tout cas qui en l'apparence - des membres de l'État Islamique. Mais, ici encore, la série est assez bien écrite pour que l'on croit à cette géniale conclusion autour d'une partie d'échecs.

Impossible, en parlant du Bureau des légendes, de ne pas mentionner ses acteurs. Tous, sans exception, sont impeccables. Mathieu Kassovitz, notamment, semble fait pour ce rôle, et note avec son habituel cynisme qu'il reçoit plus d'éloges pour un "simple" rôle, que pour un film auquel il consacré trois ans de sa vie (L'Ordre et la morale, qu'on vous recommande vivement). Sans faire de liste exhaustive, citons aussi Léa Drucker, depuis lauréate d'un César de la meilleure actrice amplement mérité, et Sara Giraudeau dont on parlait plus haut. Enfin, Jean-Pierre Darroussin, dont l'humanité transparaît comme d'habitude à travers l'écran (et qu'on avait interviewé en novembre dernier), est peut-être le plus touchant des personnages des trois premières saisons ...

Le bureau des légendes

Une saison 3 du Bureau des légendes explosive

La troisième saison du Bureau des légendes est sans conteste notre préférée. Plus que jamais, les agents très spéciaux sont en danger, et le spectateur ne sait pas par quels moyens ceux-ci peuvent sortir de leur bourbier. Loiseau est suspectée puis démasquée par le Mossad ; de son côté, Debailly est prisonnier de Daech. Non seulement l'équipe derrière la série se risque à filmer des ennemis contemporains très peu représentés dans la fiction (encore moins française), mais en plus elle le fait avec brio.

Pendant toute la saison, Debailly essaie à plusieurs reprises d'échapper à ses geôliers, tout en étant considéré comme un traître par son propre pays. En résulte des scènes de tension incroyables, mettant les nerfs du spectateur à rude épreuve. Là-encore, le programme ne recule pas devant sa grande ambition, et il a bien raison : avec sa troisième saison, la série s'impose comme incontournable. Dix épisodes placés sous le signe de l'épique comme du tragique, mais aussi d'une inévitable mélancolie, qui se poursuit à la saison suivante.

La suite ... et la fin ?

La conclusion de la saison 3 aurait pu constituer une très belle fin de série, et se ressentait comme telle, tout comme la fin de la saison 4 n'en appelait pas forcément une supplémentaire. Mais finalement, difficile de bouder son plaisir : à l'instar d'autres grandes séries, Eric Rochant emmène la sienne vers de nouveaux horizons, ne cherchant pas à s'aventurer sur les mêmes territoires. Debailly, qui continue d'avoir une vie tragique, se retrouve à travailler pour les services secrets russes, le FSB, tandis qu'un nouveau cadre de l’administration (une formulation très franco-française !) du bureau qui s'occupe des "légendes" va tout faire pour le neutraliser, voire l'éliminer.

Centrée sur la cyber-guerre, cette nouvelle saison se concentre en toute logique sur une facette plus informatique, et tout aussi redoutable, des questions géopolitiques. Elle arrive ainsi à se réinventer, et encore une fois sa fin nous emmenait à penser qu'elle serait la dernière partie. C'est dire si nous sommes curieux de voir ce que va donner la saison 5 : quelles territoires allons nous explorer ? Le statut de Debailly à la fin de la saison 4 est-il définitif ? C'est peut-être à cela qu'on reconnaît les grandes séries : à leur capacité de constamment nous surprendre, à toujours nous tenir en haleine. Tels les agents qui y sont mis en scène, Le Bureau des légendes a le talent pour mettre à mal nos certitudes - et le pire, c'est qu'on en est ravis !

Le Bureau des légendes saison 5, à partir du 5 avril 2020 sur Canal +.