Avec "Last Flag Flying", Richard Linklater signe un récit d'amitié touchant porté par trois acteurs impeccables. Retour sur quelques secrets de production de ce film aussi drôle que touchant, en salle depuis mercredi.
Last Flag Flying est l'un des films à découvrir sans hésitation au cinéma cette semaine. Dans cette comédie dramatique de Richard Linklater, Larry "Doc" Shepherd demande à deux amis avec lesquels il a combattu au Vietnam de l'accompagner aux funérailles de son fils, mort en Irak. Réunis pour la première fois depuis des années, les trois hommes verront leurs souvenirs remonter durant leur voyage. Leur complicité et leurs fous-rires referont peu à peu surface.
Porté par les excellents Steve Carell, Laurence Fishburne et Bryan Cranston, Last Flag Flying marque le retour de Richard Linklater. Deux ans après Everybody Wants Some, le réalisateur américain change totalement de registre. Avec ce premier "film de guerre", il prouve une nouvelle fois qu'il est capable de s'effacer derrière ses protagonistes profondément touchants.
Retour en cinq anecdotes sur ce long-métrage attachant en cohérence totale avec la filmographie de son réalisateur.
1 - La suite de La Dernière Corvée ?
Le trio de Last Flag Flying rappelle énormément les trois sous-officiers de la marine de La Dernière Corvée. Dans ce long-métrage emblématique du Nouvel Hollywood réalisé par Hal Ashby, Jack Nicholson et Otis Young ont pour mission d'escorter Randy Quaid jusqu'à une prison militaire. Ce dernier est condamné à 8 ans d'emprisonnement pour avoir tenté de voler 40 dollars.
Les trois personnages sont tirés du roman éponyme de Darryl Ponicsan. En 2005, l'auteur a donné une suite à son ouvrage intitulée Last Flag Flying. Si le film respecte l'intrigue du roman, les personnages ont cependant changé de noms. Richard Linklater n'a en effet pas voulu que le film soit une suite directe de celui d'Ashby. Il a d'ailleurs déclaré à ce sujet :
Le processus d’adaptation a été long mais je pense que nous avons finalement créé quelque chose d’assez unique. Si le film avait vu le jour il y a une dizaine d’années, il aurait sans doute davantage eu des airs de suite. Cela ne s’est pas fait mais au lieu d’être enterré, le projet, à l’image de la guerre, a perduré. Il n’était pas question de priver les spectateurs de personnages aussi savoureux.
2 - Un projet en réflexion en 2006
Richard Linklater a tenté d'adapter Last Flast Flying en 2006. L'action devait se dérouler en 2005 mais le réalisateur a fini par abandonner cette idée. Il ne souhaitait pas faire un film sur un conflit qui était en train de se dérouler.
En 2015, le cinéaste retravaille sur le projet avec plus de recul. Il décide que l'action se déroulera fin 2003, au moment où Saddam Hussein fut capturé. Richard Linklater estimait que cet événement permettrait aux spectateurs d'être placés dans un contexte précis et mémorable. Il a affirmé à ce propos :
Darryl et moi étions convaincus que les spectateurs se souviendraient de cet évènement et que cela ancrerait l’histoire dans une sorte de réalité commune, ce qui était l’intention initiale du roman.
3 - Last Flag Flying est le premier "film de guerre" de Richard Linklater
Au cours de sa carrière, Richard Linklater s'est essayé au film de braquage (The Newton Boys), à la science-fiction (A Scanner Darkly) ou à la comédie noire (Bernie). Avec Last Flag Flying, il réalise ce qu'il considère être un film de guerre.
Le film fait le parallèle entre les Guerres du Vietnam et d'Irak à travers les conversations des trois anciens militaires. En choisissant l'évocation plutôt que la représentation, le cinéaste livre une oeuvre personnelle affichant de nombreux points communs avec ses précédents films. Tout en s'essayant à un registre inédit, le réalisateur parvient donc à garder une cohérence avec le reste de sa filmographie.
4 - Une ambiance à l'opposé de celle d'Everybody Wants Some
Dans Everybody Wants Some, le spectateur suit les premières heures de Jack sur son campus universitaire. Avec cette comédie, Richard Linklater plonge avec brio dans la vie d'étudiants des années 80 qui crient à merveille leur besoin de liberté.
Le sujet de Last Flag Flying est donc bien éloigné de celui du précédent film du réalisateur. Cela se ressent d'ailleurs à travers la photographie de Shane F. Kelly, qui a travaillé avec Linklater sur A Scanner Darkly, Boyhood et Everybody wants some.
Les trois vétérans parcourent les routes des Etats-Unis au début de l'hiver et la pluie semble ne jamais s'arrêter durant le long-métrage. Richard Linklater a troqué la luminosité d'Everybody Wants Some pour la grisaille omniprésente. Pour expliquer ce choix, le cinéaste a déclaré :
L’histoire se déroule en décembre, tout évoque donc l’hiver, y compris la pluie quasi incessante. Lorsque le soleil pointait le bout de son nez, on se réfugiait à l’intérieur. Sur la plupart des films c’est généralement le contraire : on s’abrite lorsqu’il pleut ou que le temps se gâte, mais nous, c’était en cas d’ensoleillement que nous allions tourner en intérieur.
5 - L'influence de Bob Dylan sur l'ambiance du film
Ce n'est pas la première fois qu'il est possible d'entendre un morceau de Bob Dylan dans un film de Richard Linklater. Dans Boyhood, le cinéaste avait utilisé la chanson Beyond the Horizon. Le titre culte Hurricane était par ailleurs présent dans le tout aussi culte Génération Rebelle. Le réalisateur a de nouveau été inspiré par le chanteur folk dans Last Flag Flying. Il a expliqué que l'influence de l'interprète de Masters of War était perceptible durant le tournage :
Il nous a d’une certaine manière accompagnés tout au long du film. Sa musique fait en effet le lien entre les deux guerres dont il est question, celle du Vietnam et celle d’Irak.
Le générique de fin revient d'ailleurs à Bob Dylan et son morceau Not Dark Yet.
Last Flag Flying est à découvrir en salle depuis le 17 janvier 2018.