Audition : l’œuvre choc de Takashi Miike

Le réalisateur décrypte son film

Audition : l’œuvre choc de Takashi Miike

À l’occasion de la ressortie du film « Audition » au sein du cycle J-Horror, nous avons rencontré Takashi Miike pour parler de son œuvre si particulière qui ne peut laisser insensible.

Takashi Miike, un « fainéant » qui n’a jamais cessé de travailler

C’est un Takashi Miike étonnamment humble qui s’est adressé à nous à l’occasion de la ressortie d’Audition dans les salles (le 13 avril 2022). Un film réalisé il y a vingt ans (sorti en 2002 en France, 2000 au Japon), lorsque le cinéaste était « encore au début de sa carrière ». Pourtant, le si prolifique réalisateur pouvait déjà tourner trois ou quatre films (voire plus) par an à l’époque. Et ce, bien qu’il se décrive comme un « fainéant ».

Plus jeune, déjà, je ne voulais jamais faire mes devoirs. Quand je suis arrivé dans le cinéma, d’abord comme assistant-réalisateur, j’avais l’impression de pouvoir m’amuser. Mais je n’avais encore une fois aucune ambition particulière.

Audition
Audition ©The Jokers

C’est ainsi grâce à son efficacité sur les plateaux de tournage que Takashi Miike s’est vu proposer autant de projets. Des films à petit budget, mais qu’il pouvait mettre en scène rapidement. De plus, si certains de ses amis le mettaient en garde du risque de s’épuiser rapidement, lui, a toujours estimé qu’il n’avait de toute façon « pas de talent à épuiser ». Une vision encore une fois extrêmement humble et étonnante lorsqu’on fait l’expérience d’Audition.

Audition, un choc merveilleux

Dedans, il met en scène un producteur dont l’épouse est décédée depuis plusieurs années. Suivant les conseils d’un ami, il accepte d’organiser une fausse audition pour un film et ainsi de choisir une nouvelle compagne parmi les candidates. Asami, l’une d’entre elles va sortir du lot, mais se révéler moins innocente qu’elle n’en a l’air.

Takashi Miike propose ainsi un drame romantique qui se transforme doucement en véritable cauchemar. Si c’est bien l’horreur qu’on retient à la fin du visionnage d’Audition, ce n'est pas cet élément qui intéressait réellement le cinéaste au moment de se lancer dans le film.

Mon idée première n’était pas de faire un film d’horreur mais bien de raconter un drame. L’histoire d’, un être renfermé, seul et triste, qui a, au final, des sentiments communs à tout le monde.

Audition
Audition ©The Jokers

Il y a beaucoup de tendresse dans la vision qu’a Miike d’Asami, en dépit même de la monstruosité qu’elle devient dans la dernière partie. C’est probablement à ce niveau que son œuvre parvient autant à marquer les esprits, allant bouleverser nos sentiments envers les protagonistes au fur et à mesure. De plus, si on pourrait penser que le cinéaste a mis une part de lui-même dans le personnage du producteur, il n’en est rien.

Même s’il évolue dans le cinéma, ce n’est pas une représentation de moi. Au contraire, je dirais que j’étais en quelque sorte jaloux de ce personnage, des moyens qu’il a à sa disposition. C’est aussi pour cela que j’ai une forte empathie pour Asami.

Une œuvre pure

Outre la critique évidente de la société, il ressort enfin d’Audition une forme de pureté. Il y a bien sûr celle d’Asami, présentée comme un véritable ange. Mais surtout la pureté de la mise en scène de Miike, particulièrement efficace même dans des séquences oniriques plus délicates. Un tour de force qu’il met sur le compte d’un manque d’expérience de l’époque - se disant incapable de reproduire un tel film aujourd’hui -, et de l’intensité du tournage. Un tournage durant lequel il n’avait pas vraiment le temps de se reposer, mais pour lequel il retient beaucoup de plaisir du simple fait d’avoir pu aller au bout d’une création, qui encore aujourd'hui ne laissera pas indifférent.

Audition est à redécouvrir dans les salles le 13 avril à l’occasion du cycle J-Horror.