Border Line : pourquoi il faut absolument voir ce thriller espagnol étouffant, enfin au cinéma

Border Line : pourquoi il faut absolument voir ce thriller espagnol étouffant, enfin au cinéma

Primé à Reims Polar 2023 et au Festival d'Angers 2024, le thriller espagnol "Border Line" arrive enfin dans les salles de cinéma. Une pépite du cinéma de suspense, qui diffuse avec un réalisme saisissant une tension aussi vicieuse que divertissante et dont Alejandro Rojas, co-scénariste et co-réalisateur du film, nous a ouvert les coulisses.

Border Line, un des meilleurs thrillers récents

Après ses présentations primées au Festival international du film policier de Reims en 2023, puis au Festival Premiers Plans d'Angers 2024, Border Line arrive enfin dans les salles françaises le 1er mai 2024. Ce film est un thriller psychologique de très haute volée, d'une telle maîtrise qu'on a du mal à croire qu'il s'agisse d'un premier long-métrage. Écrit et réalisé par Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez, il met en scène le départ d'un couple de Barcelone pour les États-Unis, où ils comptent s'installer.

Tout est en ordre pour leur départ, mais très rapidement une tension se dessine. Ça commence par la crainte courante, dans le taxi, d'avoir oublié son passeport. Mais fausse alerte, Diego (Alberto Ammann) et Elena (Bruna Cusi) montent bien dans l'avion. Cependant, arrivés à l'aéroport de Newark où ils doivent prendre une correspondance pour Miami, le voyage déraille...

Un huis clos tendu et brillant

À la police des frontières, devant un agent suspicieux, Diego se montre nerveux. Le couple est alors conduit dans une petite pièce en sous-sol, sans fenêtre ni réseau, pour subir un interrogatoire secondaire. Leur mariage est-il authentique ? Pour quelles raisons émigrent-ils ? Est-ce la première fois que Diego essaye de rentrer sur le territoire américain ? Qui sont-ils vraiment ?

Poussés dans leurs retranchements, obligés de se confier sur leur intimité, torturés psychologiquement par deux policiers qui ne reculent devant rien pour obtenir les informations qu'ils recherchent, Diego et Elena, arrivés libres et en couple aux États-Unis, vont-ils ressortir de cet interrogatoire libres et toujours ensemble ?

Border Line
Border Line ©Condor Distribution

Border Line, avec une économie de temps et de moyens remarquable - quatre acteurs, une petite poignée de décors et 1h17 de durée -, réussit à bâtir une tension étouffante et jette le spectateur dans un vertige saisissant : comment ce passage de frontières, a priori balisé et banal, peut-il se transformer en une telle épreuve qui va bouleverser la vie des personnages ? Avec cet interrogatoire qui tourne à l'épreuve de survie, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas proposent aussi une vue critique sur des maux très contemporains comme le sexisme, le racisme et la discrimination des migrants. Border Line est ainsi un thriller palpitant, d'autant plus réussi qu'il a beaucoup de fond.

Un film inspiré la propre expérience des réalisateurs

Pour Border Line, Juan Sebastián Vásquez et Alejandro Rojas, tous deux vénézuéliens, ont puisé dans leur propre expérience. Alejandro Rojas nous expliquait à l'occasion de la sortie du film en France :

"En tant que vénézuéliens, ça nous est arrivé à nous comme à des proches, pour simplement visiter les États-Unis ou aller y travailler. On a remarqué que, la plupart des fois, on passe par cette inspection secondaire. Le motif est parce qu'on vient d'un certain endroit. C'est triste à dire, mais c'est comme ça. Aujourd'hui, avec Juan, nous avons la double nationalité, nous sommes aussi espagnols. Et en tant qu'espagnols, tout va bien. Mais on est tout le temps nerveux. Il y a un profilage racial. "Border Line" vient de là, de ces expériences que nous avons en commun avec beaucoup de gens."

Border Line
Border Line ©Condor Distribution

"Il y a cette histoire, avec sa dimension socio-politique, et il y a aussi l'histoire du couple, une histoire de doutes et d'amour. C'était important pour nous que le spectateur s'engage émotionnellement avec ce couple. S'il n'y a pas ce couple, il n'y a pas de film. C'est pour ça que, très tôt, on a décidé que Diego serait vénézuélien, comme nous, alors qu'Elena est espagnole. Ils expérimentent cette épreuve avec des privilèges différents."

Un tournage "organique" pour les comédiens

Face à Alberto Ammann et Bruna Cusi, ce sont les acteurs américains Ben Temple et Laura Gómez qui incarnent les policiers qui mènent l'interrogatoire. Le tournage a été chronologique, ce qui a permis aux interprètes de construire leurs performances dans une continuité logique. Les policiers font tout pour déstabiliser Diego et Elena et, comme raconté par Alejandro Rojas, Laura Gómez a notamment pu s'écarter du scénario, afin de déstabiliser "en vrai" ses partenaires.

"On a tourné 8 à 10 pages de scénario par jour, ce qui est énorme. On a eu seulement 11 jours de tournage. Le tournage en chronologie a permis de rendre quelque chose de très organique. Quand Elena/Bruna est interrogée seule, Diego/Alberto peut se détendre, puis c'est son tour. L'histoire du film est comme l'histoire du tournage !

Border Line
Border Line ©Condor Distribution

"Ce qu'on a fait pour avoir un peu plus de tension, c'est qu'on a parfois demandé à Laura de poser des questions qui n'étaient pas au scénario. Alberto et Bruna ont beaucoup aimé ça, ça les maintenait en tension. Ils étaient très concentrés, tout en ne sachant pas s'ils allaient devoir répondre à des questions inédites et hors normes. Et parfois Laura allait encore plus loin, avant de revenir au texte. Ils ont aimé cette manière de travailler.

Une séquence éprouvante pour Bruna Cusi

Il y a plusieurs sommet de tension dans Border Line, notamment quand Diego et Elena sont successivement interrogés seuls. Alejandro Rojas se souvient ainsi que l'interrogatoire d'Elena, lors duquel elle doit prouver qu'elle est bien danseuse, et donc danser, a été très éprouvante pour l'actrice Bruna Cusi.

"La scène de la danse a été éprouvante pour Bruna, dure. Aussi parce que, juste avant, on lui demande quelque chose comme : "est-ce que tu réalises combien de fois tu vas revoir tes parents ?". Si tu fais le calcul, ce n'est pas beaucoup. Donc oui, la scène de l'interrogatoire de Bruna seule a été assez éprouvante."

Bruna est une actrice magique. Elle est très analytique, quand elle lit le scénario, elle veut tout comprendre, pour elle-même. Chaque mot compte, c'est très important pour elle. Mais ce qui en ressort ensuite est très intuitif, très naturel. On perçoit assez bien ce qu'elle ressent d'un côté, et ce qu'elle dit de l'autre. Son registre est d'une grande subtilité.