"Diamants sur canapé" est probablement le film le plus célèbre d'Audrey Hepburn, celui qui en fit d'elle un véritable symbole. Pourtant, l'actrice n'était pas désirée par Truman Capote, l'auteur du roman à l'origine du long-métrage, qui avait quelqu'un d'autre en tête pour le rôle : Marilyn Monroe.
Diamants sur canapé, une œuvre ancrée dans les mémoires
Difficile aujourd'hui de ne pas associer Diamants sur canapé (1961) à Audrey Hepburn. Adapté de la nouvelle éponyme de Truman Capote, le film de Blake Edwards met en scène Holly Golightly, une jeune femme qui aime à flâner devant les magasins Tiffany's à New York. Son but dans la vie est simple, se trouver un riche mari qui pourra l'entretenir. En attendant, elle s'en sort en usant de ses charmes et organise régulièrement des soirées dans son appartement. Le tout, sous le regard de Paul Varjack, écrivain en manque d'inspiration et nouveau voisin d'Holly.
À l'image, Audrey Hepburn rayonne dans sa fameuse "petite robe noire" de Givenchy. Avec Diamants sur canapé, elle obtient une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice en 1962. Mais devient surtout un symbole de mode ancré dans la culture populaire. Cependant, à l'origine, le film devait être bien différent. Et surtout, Audrey Hepburn n'était pas le premier choix de l'auteur Truman Capote.
Dans le livre 5e Avenue, 5 heures du matin : Audrey Hepburn, Diamants sur canapé et la genèse d'un film culte, Sam Wasson revient sur toute la création du film. Il explique notamment que, pour Truman Capote, s'il y avait bien une actrice qui correspondait parfaitement à Holly, c'était Marilyn Monroe.
Marilyn Monroe, le choix idéal pour Truman Capote
Il la connaissait depuis des années et ils se voyaient souvent. Pour Capote, elle était le choix idéal pour Holly. Aussi parce qu'il voyait au-delà du glamour de la star.
Sous ses dehors aguichants et sa sensualité, il y avait beaucoup de la petite fille chez elle ; elle était suffisamment expérimentée pour reconnaître l'injustice humaine mais trop timide pour s'en défendre.
De son côté, Marilyn Monroe semblait intéressée par ce rôle après que Milton Greene, son photographe et confident, lui évoqua le projet. Cependant, à l'époque, elle suivait des cours d'art dramatique avec Paula Strasberg et il lui fallait avoir la permission de cette dernière pour se lancer dans le rôle.
Reste que Marilyn sortait du succès de Certains l'aiment chaud (1959) et avait donc la notoriété pour attirer le public. De quoi convaincre aisément Paramount qui avait payé 65 000 dollars Truman Capote pour les droits d'adaptation de son œuvre. Seulement, le producteur Martin Jurow, qui avait pourtant assuré à l'auteur de rester fidèle au roman, voyait le personnage différemment. Pour lui, "Holly devait être dégourdie et coriace", tandis que Marilyn était "aussi coriace qu'un agneau". Mais la plus grande problématique pour le producteur était la difficulté à gérer la star sur un tournage.
Pour Sept ans de réflexion (1955), elle avait provoqué neuf jours de retard (à environ 80 000 dollars par jour) et le réalisateur Billy Wilder n'avait pas dressé d'elle un portrait si élogieux. Marilyn était donc un véritable dilemme pour un producteur. Car si elle coûterait forcément de l'argent à la production, elle pouvait également rapporter gros en attirant du monde dans les salles.
Audrey Hepburn, le choix des producteurs
Finalement, la mission revint à Richard Shepherd, l'autre producteur du film, d'annoncer à Marilyn leur désir d'engager quelqu'un d'autre. Il s'agissait donc d'Audrey Hepburn, qui avait déjà fait ses preuves à Hollywood. Oscarisée pour Vacances romaines (1953), puis nommée à deux autres reprises, pour Sabrina (1954) et Au risque de se perdre (1959). Mais encore fallait-il la convaincre. Pour cela, Martin Jurow se rendit avec le scénariste George Axelrod chez elle pour en discuter.
Premier problème, Audrey Hepburn voyait Holly comme "une traînée" et il était hors de question pour qu'elle joue un tel personnage. Précisons que son agent de l'époque, Kurt Frings, était également difficile à convaincre. Et qu'il fallait prendre en compte le mari très puritain d'Audrey Hepburn, Mel Ferrer.
Jurow proposa alors de faire des modifications et de faire de cette héroïne "une rêveuse", "une romantique un peu dingue". Cet argument commença à intriguer Audrey Hepburn. Elle commença alors à suggérer de nombreux changements pour édulcorer l'ensemble. Axelrod en dira plus tard :
Elle n'a pas arrêté de lutter pour que le personnage soit édulcoré, commettant l'erreur fatale que commettent certains acteurs qui pensent qu'ils vont gagner l'affection du public en se montrant attachants alors que leur personnage est un dur à cuire.
Des changements à tous les niveaux
Ainsi, tous les changements suggérés furent acceptés. Et ce, jusqu'au réalisateur. John Frankenheimer devait initialement réaliser le film. Mais alors trop inexpérimenté (il n'avait tourné qu'un long-métrage), il ne convenait pas à Audrey Hepburn. Après avoir soumis une longue liste à Kurt Frings, Jurow trouva finalement le réalisateur adéquat en la personne de Blake Edwards.
Après cela, tout était bon pour lancer le tournage. Sauf pour Truman Capote, qui n'a jamais été concerté. Il avait appris le choix d'offrir le rôle d'Holly à Audrey Hepburn et désapprouvait totalement. "Ils sont complètement à côté de la plaque" se disait-il. Il ne cachait pas son désir de voir Marilyn à la place d'Hepburn, mais ne pouvait rien y faire. Et, en plus, il y avait tous ces changements par rapport au roman qui avaient été faits pour convenir à l'actrice principale.
Des scènes changées, des séquences retirées ou ajoutées pour permettre "à l'histoire de passer d'un genre à un autre : du portrait psychologique à la comédie romantique, de l'homosexualité à l'hétérosexualité, de l'amour platonique à l'érotisme".
Une déception pour Capote donc, mais pas pour les producteurs. Diamants sur canapé fut un succès et devint une œuvre culte. Outre la nomination aux Oscars pour Audrey Hepburn, le film remporta celui de la meilleure musique originale, ainsi que l'Oscar de la meilleure chanson originale pour Moon River, chanté par Audrey Hepburn dans l'un des nombreux moments mémorables du long-métrage.