Guillaume Gouix (Amore Mio) : "J'ai toujours aimé les personnages qui chient sur le bureau du patron"

Guillaume Gouix (Amore Mio) : "J'ai toujours aimé les personnages qui chient sur le bureau du patron"

Lors de la neuvième édition du Festival de Saint-Jean-de-Luz, nous avons rencontré Guillaume Gouix, qui signe son premier long-métrage en tant que réalisateur avec "Amore Mio". Un drame extrêmement touchant qui a connu un tournage intense, comme nous l'a expliqué son metteur en scène.

Amore Mio : un road movie marqué par le deuil

À la mort de son compagnon Raphaël (Félix Maritaud), Lola (Alysson Paradis) préfère ne pas aller à son enterrement pour éviter la compassion des autres. Elle décide de se rendre en Italie avec sa sœur Margaux (Élodie Bouchez) et son fils Gaspard (Viggo Ferreira-Redier).

Débutant comme un road movieAmore Mio rappelle Husbands de John Cassavetes dans sa façon de refuser l'apitoiement dans le deuil, de s'efforcer de vivre et de combattre la tristesse. Alysson Paradis et Elodie Bouchez sont au cœur de retrouvailles bouleversantes, que Guillaume Gouix filme au plus près, à travers un format 1.33.

Amore Mio
Amore Mio ©Urban Distribution

Lors de la neuvième édition du Festival de Saint-Jean-de-Luz, nous avons rencontré le réalisateur, qui signe son premier long-métrage. Guillaume Gouix nous a raconté l'origine de ce drame poignant, le tournage intense qui a servi l'énergie du film et le fait d'interrompre brutalement le voyage de Lola, Margaux et Gaspard.

Rencontre avec Guillaume Gouix

Comment est né Amore Mio ?

Guillaume Gouix : J'avais envie de raconter des personnages qui ne font pas ce qu'on attend d'eux. J'ai l'impression que le deuil est un endroit précis de ça, où les gens attendent quelque chose de nous, où on a presque un rôle à jouer de veuve parfaite ou d'endeuillé parfait. Donc j'avais envie de raconter quelqu'un qui dit "merde", qui vit ça autrement. En tant que spectateur, j'ai toujours aimé les personnages qui chient sur le bureau du patron, ceux qui ont le courage de s'écouter. Je trouve qu'il y a quelque chose de jouissif en tant que spectateur quand je vois des personnages qui claquent les portes et qui se disent : "Je vais vivre comme je l'entends moi". Le film est parti de ça.

La réaction de Lola dans le film m'a fait penser aux personnages d'Husbands, qui perdent leur meilleur ami. Il y a ce point commun de la spontanéité entre les deux films, du mouvement. Pour retranscrire ce sentiment, est-ce que vous avez voulu tourné le film chronologiquement ?

Guillaume Gouix : C'est marrant ça... On n'a pas complètement tourné le film de manière chronologique parce qu'on ne pouvait pas mais quand on pouvait, oui. En tout cas, effectivement, on essayait de faire en sorte qu'elles (Alysson Paradis et Elodie Bouchez, ndlr) aient beaucoup de liberté, le jeune acteur (Viggo Ferreira-Redier, ndlr) aussi. On avait des désirs esthétiques précis, mais on voulait que le film soit vivant, qu'il y ait des accidents, qu'elles se fassent rire, qu'elles se meuvent ensemble... John Cassavetes, c'est le roi pour ça. Ce n'est pas un exemple conscient, mais c'est un cinéaste avec lequel j'ai grandi en tant que spectateur.

Amore Mio
Amore Mio ©Urban Distribution

Le tournage était assez intense...

Guillaume Gouix : On a tourné pendant 26 jours. C'était un film assez intense mais c'était l'urgence qu'il fallait pour le faire, je pense. En tout cas, je me sentais bien dans cette énergie-là, c'était une petite équipe, un film de guerriers. (sourire) Je pense que c'est devenu une espèce de qualité pour le film plutôt qu'une contrainte.

Le choix du format 1.33, le fait de coller aux personnages, ce sont des choses que vous aviez en tête dès l'écriture ?

Guillaume Gouix : Pas dès l'écriture, c'est venu lors des discussions avec le chef opérateur (Noé Bach, ndlr), quand je lui décrivais mes envies de ne jamais filmer le décor, contrairement à ce qu'on attend d'un road movie, de toujours ressentir le voyage sur leurs visages, dans leur sueur, dans leur humeur, et que derrière ça défile sans qu'on fasse de carte postale. Le 1.33 permettait de les enfermer, d'être proche d'elles.

À quel moment Alysson Paradis et Élodie Bouchez sont arrivées sur le projet ?

Guillaume Gouix : Alysson, dès le tout début de l'écriture. Je voulais une actrice qui a un tempérament rock'n'roll, un mélange de féminité et de mauvais garçon, que je vois chez elle parce qu'on a un rapport particulier dans la vie. Élodie est arrivée très vite aussi. Je trouve que c'est une immense actrice. Elles s'équilibraient bien, elles ont le même grand sourire, et puis il y a eu quelque chose d'évident quand elles se sont rencontrées.

Amore Mio
Amore Mio ©Urban Distribution

Le film commence comme un road movie, que vous interrompez en cours de route.

Guillaume Gouix : Ça, c'est venu à l'écriture, l'idée de l'arrêt. Ce qui était important à ce moment-là du film, c'était le retour vertigineux à un quotidien. Tant qu'on fuit, on fuit... Mais là, Lola se retrouve là avec son fils, donc possiblement, sa vie future va être comme ça et elle ne veut pas se confronter à ça, elle veut avancer. L'arrêt un peu radical, c'était pour amener ça, une sorte de vertige pour se dire : "Ça y est, il va falloir assumer".

Il y a un moment du film que vous retenez plus que les autres ?

Guillaume Gouix : Il y a un moment du film qui à chaque fois m'émeut, c'est quand Margaux dit à Lola : "Tu allais bien, ça me faisait chier. Tu me faisais mal". Ce moment-là, où elles se disent quelque chose qu'on ne peut se dire qu'entre frère et soeur, un truc très cru, très violent, mais en même temps dit avec amour. La manière dont elles le jouent, ça m'émeut beaucoup.

Amore Mio est à découvrir au cinéma dès le 1er février 2023.