Le Mépris : Jean-Luc Godard a vécu un tournage cauchemardesque

Un film et un tournage uniques

Le Mépris : Jean-Luc Godard a vécu un tournage cauchemardesque

En 1963, Jean-Luc Godard réalise « Le Mépris », un des films les plus célèbres de sa carrière. Le long-métrage, porté par Michel Piccoli et Brigitte Bardot fut également l’un des plus difficiles à tourner pour le célèbre metteur en scène. En cause, des tensions entre certains acteurs et lui. Mais pas que…

Le « blockbuster » rêvé par Jean-Luc Godard

Après s’être révélé grâce à des films tels qu’À bout de souffle et Une femme est une femme, Jean-Luc Godard souhaite tourner un film plus « commercial ». C’est ainsi qu’il adapte Le Mépris, roman italien écrit par Alberto Moravia. Pour l’occasion, le pionnier de la Nouvelle Vague française dispose d’un budget conséquent avec 500 millions de francs, ainsi qu’un tournage dans les célèbres studios de Cinecittà à Rome (mais également dans la villa Malaparte à l'est de Capri).

Côté casting, Jean-Luc Godard engage Michel Piccoli dans le rôle principal. Ce dernier est alors inconnu du grand public, mais c’est le contraire pour Jack Palance et Fritz Lang qui complètent le casting. En effet, le premier est, à cette époque, un comédien important des westerns américains avec des rôles marquants, comme dans L'Homme des vallées perdues, par exemple. Le second (qui joue son propre rôle dans le film), quant à lui, est un des cinéastes les plus importants des années 20 et 30 grâce à des chefs-d’œuvre du 7ème art comme Metropolis ou bien encore M le Maudit.

Cependant, la très grande star du long-métrage se nomme Brigitte Bardot. Cette dernière est, à l’époque, une icône mondiale, fantasmée par les hommes et adulée par les femmes. Il faut dire que sa performance dans Et Dieu...créa la femme a fait d’elle un sex-symbol international.

Accords et désaccords

Le Mépris suit Paul Javal (Michel Piccoli), un scénariste à succès qui se rend à Paris avec son épouse Camille (Brigitte Bardot) pour travailler sur une adaptation de L'Odyssée, film tourné par Fritz Lang. Sur place, Il constate les tensions entre Lang et son producteur Jeremy Prokosch (Jack Palance). Ces désaccords sur le plateau vont également avoir une incidence sur le couple Javal.

Si le film est un succès commercial pour Jean-Luc Godard, il est en revanche un échec pour Brigitte Bardot qui avait réalisé des scores bien plus hauts dans ses films précédents. Les relations entre le réalisateur et l’actrice furent d’ailleurs houleuses sur le tournage. En effet, le cinéaste se montre tyrannique et agressif avec ses acteurs, les faisant jouer sans leur donner de véritables indications. Jack Palance, excédé par cette manière de diriger, pointe d’ailleurs son agacement lors d’une séquence puisqu’il jette une bobine de film à Godard lui-même, qui joue un assistant de Fritz Lang dans le long-métrage. Non prévu dans le scénario, ce geste réel d’énervement est conservé par le réalisateur.

Le Mépris
Le Mépris ©Les Films Concordia

En ce qui concerne Brigitte Bardot, Jean-Luc Godard fait des pieds et des mains pour que non seulement sa coiffure soit raccourcie, mais également pour qu’elle porte des jupes moins courtes. Ainsi, il fait le pari de marcher sur les mains pour qu’elle retire quelques centimètres de sa coupe de cheveux. Quant à ses vêtements, il décide de la cadrer plus près, et la fait tourner en peignoir. À noter que le réalisateur doit également composer avec des paparazzi qui harcèlent littéralement la star, allant jusqu’à se ruer sur le tournage pour la photographier.

Histoire de fesses

Le calvaire de Jean-Luc Godard ne s’arrête pas là puisque le premier montage de son film est totalement désapprouvé par ses producteurs. En effet, ces derniers souhaitaient tabler sur le sex-appeal de Brigitte Bardot pour attirer le public. Or, à la différence de ses films précédents, l’actrice ne disposait d’aucune scène de nu. Il est alors demandé au réalisateur de remonter son long-métrage. Par conséquent, c’est pour cela qu’il rajoute cette fameuse scène iconique durant laquelle le personnage incarné par Bardot, allongé en tenue d’Ève sur le lit, demande à celui incarné par Piccoli, si ce dernier aime ses fesses.

Suite à l’ajout de ce type de scènes, le film est interdit aux moins de dix-huit ans dans les salles (ce qui explique pourquoi son score au box-office n’est pas plus haut). Aussi tendu sur le plan de la fiction que sur la réalité de son tournage, Le Mépris devient pourtant, au fil des années, l’un des plus grands films de Jean-Luc Godard et de Brigitte Bardot.