L'Homme qui n'a pas d'étoile : retour sur le conflit entre Kirk Douglas et King Vidor

L'Homme qui n'a pas d'étoile : retour sur le conflit entre Kirk Douglas et King Vidor

Western quelque peu oublié, "L'Homme qui n'a pas d'étoile" n'en demeure pas moins une référence du genre, bénéficiant d'une énergie folle et d'une véritable richesse thématique. Une prouesse, au vu des difficultés que Kirk Douglas et le réalisateur King Vidor ont eues à collaborer.

L'Homme qui n'a pas d'étoile : la guerre des éleveurs

Sorti en 1955, L'Homme qui n'a pas d'étoile est l'un des apports majeurs de Kirk Douglas au western, à ranger aux côtés de La Captive aux yeux clairsEl Perdido ou encore Seuls sont les indomptés. Mis en scène par King Vidor, figure hollywoodienne majeure du cinéma muet qui a traversé les décennies et qui s'est déjà attaqué au mythe de l'Ouest avec le superbe Duel au soleil, le long-métrage raconte l'histoire de Dempsey Rae.

Incarné par la star de Spartacus et Les Vikings, ce bouvier quitte Kansas City pour rejoindre le Wyoming, à la recherche d'un travail. Dans le train, il vient en aide au jeune Jeff Jimson (William Campbell) et le prend sous son aile. À leur arrivée, ils sont employés au ranch "Le Triangle", tenu par Reed Bowman (Jeanne Crain). Cette dernière se rapproche de Dempsey et décide de le nommer contremaître. La situation s'envenime lorsqu'un autre éleveur, Tom Cassidy, pose des barbelés pour protéger son bétail. Des clôtures qui rappellent des souvenirs tragiques au héros...

L'Homme qui n'a pas d'étoile
Dempsey Rae (Kirk Douglas) - L'Homme qui n'a pas d'étoile ©Sidonis Calysta

Enchaînant les péripéties à une vitesse folleL'Homme qui n'a pas d'étoile parvient à explorer de nombreuses thématiques en moins d'1h30. L'impossibilité de l'individualisme face à la collectivité, l'évolution d'un pays vers le capitalisme, la modernisation du travail, la cruauté des affaires ou les conséquences meurtrières d'une éducation ratée... En plus de bénéficier de la performance survoltée de Kirk Douglas, le film est d'une richesse rare. Une prouesse, au vu des conditions de tournage compliquées.

Des rapports compliqués entre Kirk Douglas et King Vidor

L'Homme qui n'a pas d'étoile est tourné en une vingtaine de jours. Une rapidité qui se ressent à l'écran mais qui ne nuit pas au long-métrage, passant avant tout par l'interprétation énergique de l'acteur et producteur Kirk Douglas. Ce dernier fait preuve d'une implication physique remarquable, prend plaisir à chanter devant la caméra, ne touche pas de cachet mais empoche une partie des bénéfices et se réjouit de travailler avec un cinéaste de la trempe de King Vidor.

L'Homme qui n'a pas d'étoile
Dempsey Rae (Kirk Douglas) - L'Homme qui n'a pas d'étoile ©Sidonis Calysta

Le cinéaste ne se montre pas aussi enthousiaste. Très vite, le comédien essaie de le presser pour accélérer la cadence et un conflit naît entre eux. En pleine préparation de Guerre et paix, son adaptation du roman de Tolstoï avec Audrey Hepburn et Henry Fonda, le réalisateur quitte même la production en avance pour rejoindre l'Europe et confie la mise en scène de certaines scènes importantes à sa seconde équipe.

L'équilibre parfait malgré tout

À l'arrivée, Kirk Douglas dira de King Vidor qu'il est "un homme du passé". Ce dernier rejette de son côté L'Homme qui n'a pas d'étoile, qu'il ne considère pas comme un projet phare de sa carrière. Dans le documentaire Horizons perdus qui figure sur les bonus du DVD, l'historien du cinéma Patrick Brion explique :

Vidor ne parle quasiment pas du film. Douglas le revendique complètement. Et comme toujours, la vérité va être très différente. (...) Vidor dit que c'est un film qui n'a quasiment rien de lui. En revanche, Borden Chase, le scénariste, dit qu'il y a beaucoup d'idées du film qui sont de Vidor.

Bertrand Tavernier affirme quant à lui dans une présentation du long-métrage :

Quand on interrogeait King Vidor, il ne paraissait pas y accorder beaucoup d'importance. Il disait : 'D'accord, mais c'est un petit film, ce n'est pas grand-chose'.

Un discours bien différent de celui de la tête d'affiche du western :

Quand on interrogeait Kirk Douglas, et le film porte la marque de Kirk Douglas, (...) lui disait qu'il avait pratiquement tout fait.

Pourtant, d'après le regretté cinéaste, L'Homme qui n'a pas d'étoile brasse de nombreux thèmes "vidoriens", comme celui du héros solitaire devant s'intégrer à un monde en évolution. Leur conflit ne les a donc pas empêchés de trouver l'équilibre parfait, l'implication de Kirk Douglas s'accordant à merveille aux obsessions de King Vidor, et de donner naissance à un western quelque peu oublié mais essentiel.