Le Jeu : entretien avec le réalisateur Fred Cavayé

Le Jeu : entretien avec le réalisateur Fred Cavayé

A l'occasion de la sortie du film "Le Jeu", une comédie portée par Stéphane de Groodt, Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Doria Tillier et Grégory Gadebois, nous avons rencontré le réalisateur, Fred Cavayé.

Fred Cavayé, principalement réalisateur de thrillers avec Pour Elle, A Bout Portant et Mea Culpa, continue dans l'univers de la comédie avec Le Jeu, en salles ce mercredi 17 octobre. Ce n'est pas sa première incursion dans le domaine de la comédie, puisque Fred Cavayé était déjà derrière la caméra de Radin ! avec Danny Boon. Il est donc de retour avec un film à concept porté par un casting impressionnant composé de Stéphane de Groodt, Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Doria Tillier et Grégory Gadebois. L'histoire est simple mais terriblement jouissive : lors d'un dîner d'amis, chacun pose son portable sur la table. Chaque appel, SMS et mail est lu ou écouté à haute voix devant l'assemblée. Bien évidemment, certains secrets auraient dû rester enfouis dans les entrailles du téléphone.

Le Jeu est une comédie ultra efficace, un huis clos passionnant, surtout grâce aux prestations précises du casting, plein de spontanéité. Aucun des personnages n’a véritablement de problème. Chacun a sa petite vie bien rangée, aisée, sans véritable danger. Pourtant, l’Homme a cette fâcheuse tendance à être attiré par l’auto destructionLe Jeu démontre comment un être humain en parfaite santé, dans une situation agréable, peut tout mettre en l’air par pulsion simpliste, pour du sexe, du désir, ou par lassitude. Le Jeu se concentre uniquement sur cet aspect de couple, délaissant le reste, se concentrant sur l’adultère, la trahison, ce qui ne devrait pas mettre tout le monde très à l’aise. Bref, Fred Cavayé a une idée brillante pour démontrer comment l’être humain s’invente des problèmes, mais surtout comment il est dans l’incapacité de rester stable dans une situation pourtant équilibrée.

ENTRETIEN AVEC FRED CAVAYÉ

 

Qu'est-ce qui diffère entre une comédie et un thriller ? Comment aborde-t-on la comédie ? 

J'ai réalisé l'adaptation de Le Jeu de la même manière que j'ai abordé Pour Elle, Mea Culpa et A Bout Portant. C'est à dire une écriture plus liée aux films à suspense et aux films d'action qu'à la comédie. Ecrire sans gras, écrire rythmé, parce que pour un film d'action, quand vous voulez du rythme il faut écrire rythmé. Le montage ne sauve pas le tournage. Si le tournage est mou, le film sera mou. Donc j'ai écrit Le Jeu comme j'écris les thrillers et après je l'ai mis en scène de la même manière. Pour rendre ce huis clos passionnant il fallait avoir une mise en scène très narrative mais pas ostentatoire parce que le moindre mouvement de caméra devient un effet dans un huis clos. Si tu commences à bouger la caméra sans que ce soit narratif, vous ressentez le mouvement d’engin. Fallait que la mise en scène soit au service des comédiens. C'est un film de comédiens, il fallait sublimer leur travail.

Pourquoi faire un remake de ce film italien ?

J'ai été remaké cinq fois et je m'étais d'ailleurs interdit de faire un remake. Des fois on est un peu con. J'étais persuadé que je ne pourrai pas faire un film sans l'écrire. J'ai d'ailleurs refusé Sicario, Looper. Mais après c'est compliqué... Pour Sicario, Denis Villeneuve vient de faire Prisoners. Lorsque nous, français, on se pointe avec un casting comme ça, c'est vachement plus dur de vous imposer quelque chose. On m'a proposé Die Hard aussi. Là je n'y serais pas allé. Mes collègues qui sont allés faire ce type de film, reprendre des licences, ont eu des difficultés. En France on existe en tant qu'auteur, dans le bon sens du terme. On vous fait confiance parce que vous apportez votre œil au projet. Aux Etats-Unis, on vous fait confiance parce que techniquement vous amenez le tournage à bien. Vous n'êtes pas le seul œil sur le tournage, un truc comme Die Hard, c'est le producteur qui décide.

Pour revenir à mon point de départ, comme j'avais dit que je ne ferai pas un film sans avoir écrit la base, je m'interdisais les remakes. Mais quand j'ai vu le film italien (Perfetti Sconosciuti) je me suis rendu compte que je serai passé à côté d'un truc sur lequel j'aurai pris énormément de plaisir. Et de pouvoir faire de ce film, qui n'est pas le mien, complètement mon film. Enrober les choses de tartine Fred Cavayé. Même si c'est une même problématique de couple je la raconte différemment, donc cette problématique devient la mienne. Cela devient ma création. Comme un mec qui adapte Molière. Dans sa mise en scène ça devient sa propre mise en scène. J'ai vu ce film italien une seule fois pour ne pas le copier. J'ai d'ailleurs interdit aux comédiens de voir le film. Encore plus pour eux, aller regarder comment quelqu'un d'autre a joué ton personnage ça les influence forcément. Et surtout j'ai changé des choses, même des problématiques. Dans l'original par exemple un couple a tué quelqu'un, moi j'ai enlevé ça pour recentrer vers des problématiques plus marquantes pour le spectateur. Je préfère parler du temps qui passe et de la lassitude au sein d'un couple que d'une histoire de meurtre. Quand je suis spectateur j'aime bien me sentir concerné. Prendre monsieur-tout-le-monde à qui il arrive un truc de fou. C'était mon travail et aussi le travail des comédiens. Il fallait être sincère tout le temps, ne surtout pas aller chercher le rire, et faire confiance à la situation. Il fallait jouer les scènes d'émotion avec la même sincérité.

Avais-tu déjà pensé à ton casting avant l'écriture ?

J'échafaudais des trucs mais je m'interdis toujours de penser à des comédiens avant parce que cela signifie que tu écris pour lui. Et en plus s'il te dit non t'as l'air con. Je préfère que ce soit le personnage qui aille vers le comédien. Quand j'ai fini l'écriture de l'adaptation j'ai fait une liste. Mais il fallait savoir qui accepterait le challenge de rester avec sept comédiens pendant huit semaines. Je voulais créer une entité, un groupe d'amis. Il y avait un truc de pièces de puzzle qui allaient parfaitement ensemble. La dimension humaine était très importante. Il fallait de bons camarades.

Tu t'es inspiré d'autres huit clos ? Comme par exemple Le Prénom ?

La réalité d'un dîner entre amis est inspirée d'un véritable dîner entre amis. On a ce point commun avec Le Prénom. Dans un contexte et un système différent mais sur la forme posée forcément on a les mêmes références. Mais je m'interdis d'aller revoir tous les films en huis clos. Trop peur d'être influencé.

On peut parler de cette fin ?

C'est difficile d'en parler aux lecteurs, de dévoiler le twist. Mais je trouve cette fin plus cinématographique. Si on analyse le truc, faut éviter une happy end. Si je ne fais pas cette fin, tout va bien pour les personnages. Mais avec cette fin, j'apporte une dimension sombre, mélancolique et surtout paradoxalement plus réaliste. Parce que dans la vraie vie, ça se serait passé comme ça, on continue à se mentir. J'aime bien, parce qu'au départ les gens se disaient déçus par cette fin, puis en y repensant elle est vraiment bien. Moi ce que j'adore au cinéma c'est quand toi tu sais des choses que le personnage ne sait pas. De voir tous ces moments de vie anodins à la fin alors que toi tu es au courant, c'est terrible.

Le Jeu de Fred Cavayé est en salles mercredi 17 octobre avec  Stéphane de Groodt, Bérénice Bejo, Suzanne Clément, Roschdy Zem, Vincent Elbaz, Doria Tillier et Grégory Gadebois