Une femme de notre temps : Sophie Marceau "préparée comme un boxeur"

Une femme de notre temps : Sophie Marceau "préparée comme un boxeur"

Dans "Une femme de notre temps" de Jean-Paul Civeyrac, Sophie Marceau interprète le rôle de Juliane, une femme commissaire de police qui découvre les infidélités de son mari. Rencontrée lors du Festival du Film Francophone d’Angoulême 2022, l'actrice nous a parlé de son rôle intérieur mais aussi très physique.

Sophie Marceau, rencontre avec la star d'Une femme de notre temps

Était-ce difficile de montrer à l’écran les souffrances intérieures de Juliane ?

Le film a un autre langage intime qui parle d’une blessure, d’une trahison, de déchirures qui ne sont pas toujours évidentes à communiquer. C’est aussi un peu la solitude des gens : on est seul avec ses problèmes à un moment donné mais le rire et les larmes viennent du corps. Cette femme, qui dans son métier voit des crimes et des morts s’est endurcie et c’est aussi pour évacuer ses tensions et ses énergies négatives qu’elle écrit. Elle a besoin de sa famille, pilier solide pour pouvoir continuer à faire ce qu’elle fait, et a trouvé cet équilibre qui la maintient droite.

C’est une femme tendue comme un arc, et je trouve d’ailleurs la parabole de l’arc très juste, car Juliane est complètement dans le contrôle. Elle a donc une autonomie d’esprit qui encaisse les chocs, mais là, son corps réagit au choc, elle est prise en flagrant délit de brisure. Il lui faut lâcher pour que le mouvement s’opère. L’héroïne est dans son juste à elle, entre ces deux forces que sont le bien et le mal. On pense vraiment d’une façon binaire dans nos cultures, mais on en fait quoi de tout un espace vacant entre le bien et le mal ? J’aime bien quand c’est un peu plus complexe, plus ambigu, comme cette femme qui vrille, on est près de l’humain. Je trouve souvent les films didactiques moins intéressants car je ne m’identifie pas là-dedans.

Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps
Juliane (Sophie Marceau) - Une femme de notre temps ©Rezo Films

On vous voit aussi tirer à l’arc dans la forêt, c’était un rôle physique ?

C’est un rôle qui demande une grande présence physique, dans la retenue comme dans le lâcher. On a tourné dans le froid, la nuit, la pluie, le bruit de l’autoroute, la forêt, on doit faire avec la nature mais ça participe à l’épreuve et la mise en condition de l’acteur. Pour un tournage de 6 à 8 semaines, on est programmé et préparé comme un boxeur. Qu’on ait chaud, froid, ça fait partie entièrement d'un film, on s’en fout que ça soit difficile, on est des sportifs. Ce sont les contraintes du cinéma d’être dépendant du climat, du bruit. Dans ces moments vraiment fragiles, c’est un petit miracle que tout se passe bien au bon moment. On est toujours sur la corde, comme dans la vie. Ça nourrit aussi les films d’une chair, de réel, de concret.

Le plus jubilatoire pour une actrice est-il finalement d’avoir des dialogues à dire ou de jouer un rôle plus intérieur ?

J’aime autant ne pas avoir de texte à apprendre la veille pour le lendemain que de dire un monologue, car les mots, le souffle, la projection sont aussi des moteurs incroyables de jeu qui vous emmènent vers des moments. On ouvre son diaphragme comme un chanteur et on est complètement dans le physique du jeu. Le jeu de l’acteur passe par tout ça, on est autant dans le mot, que dans le corps et le geste.

Le premier sentiment qu’on a vis-à-vis d’un rôle qu’on joue c’est qu’on l’aime quel qu’il soit, même si c’est un salaud. J’ai envie de défendre mes personnages, de les aimer, de leur trouver des excuses. Comme actrice, j’ai une espèce d’instinct intérieur qui me dit que c’est juste, cohérent et que ça rentre dans les paramètres de son personnage, un itinéraire qui lui est propre.

Comment se remet-on d’un tel tournage ?

Soit ça vous sert de thérapie, soit ça vous enfonce encore plus dans des trucs compliqués mais dans tous les cas ça m’intéresse. J’adore l’histoire et les souffrances des gens, leur bonheur m’agace un peu. C’est plus fort que moi : la souffrance des autres vous sort de votre propre souffrance et crée de l’empathie, je m’identifie. J’aime les gens qui affrontent la vie, comme Juliane qui ne passe pas à côté de sa vie, elle accepte le rôle qu’elle doit jouer sur terre. Il faut accepter de faire partie de sa vie et la prendre à bras-le-corps.

Une femme de notre temps de Jean-Paul Civeyrac avec Sophie Marceau, en salles le 5 octobre 2022. Découvrez ici notre critique.