Hunters : les représentations inexactes d'Auschwitz font polémique

Hunters : les représentations inexactes d'Auschwitz font polémique

Quelques jours à peine après sa mise à disposition sur Amazon Prime Video, la série "Hunters" est vivement critiquée pour sa représentation fictive d'Auschwitz et des atrocités commises. Suite à une forte désapprobation publique du Mémorial d'Auschwitz, le créateur David Weil a tenu à s'exprimer.

La série Amazon Hunters, qui met en scène une chasse aux Nazis dans l'Amérique des années 70, est disponible sur Amazon Prime depuis le 21 février (notre critique ici). En parallèle de l'action vengeresse qui prend place dans un univers pop, Hunters montre des flashbacks emportant les personnages et les spectateurs dans les atrocités de l'Holocauste. Problème, au moins un de ces flashbacks est une pure invention. Il s'agit d'une partie humaine d'échecs, avec des détenus juifs en guise de pièces, opposant un champion juif d'échecs et un officier nazi. La scène, issue du premier épisode d'Hunters, est difficilement soutenable. Mais c'est son inexactitude qui pose un grave problème, comme l'a tout de suite identifié le Mémorial d'Auschwitz.

Un manque de respect et un cadeau aux révisionnistes

Le sujet est complexe : combien est-il permis à un programme de fiction d'inventer de toutes pièces des situations qui se lient à des faits réels ? La mémoire de l'Holocauste et des atrocités commises par le régime nazi est une mémoire fragile, sans cesse remise en question par un révisionnisme ou un négationnisme antisémite. Le travail de documentation et de témoignage effectué depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale est monumental, et la véracité des récits est d'une importance fondamentale pour que ne soit pas oublié ou travesti ce terrible épisode de l'histoire.

Le Mémorial d'Auschwitz a donc immédiatement réagi à la séquence d'Hunters en notant que, non seulement l'invention de cet événement est "dangereusement stupide et caricaturale", mais elle est aussi une faille dans laquelle les négationnistes vont s'engouffrer. En effet, si des récits fictifs gagnent en popularité, c'est autant de munitions pour ceux qui prétendent que l'Holocauste est une invention...

Le créateur d'Hunters, David Weil, a réagi dans un long communiqué, via le site DeadlineIl revient sur sa décision, en la réaffirmant, de choisir des éléments fictifs pour raconter cette histoire, mais aussi pour faire vivre la mémoire de l'Holocauste sans produire un documentaire ou sans emprunter à de réelles personnes leurs expériences.

En créant cette série, le plus important pour moi était de prendre en compte ce défi ultime concernant un récit au sujet de l'Holocauste : comment le faire sans emprunter la vie  ou une expérience d'une personne spécifique ?

Il développe son argument en expliquant que les personnages survivants dans Hunters ont tous un tatouage de numéro fictif, au-dessus du nombre 202,499, le plus haut donné à un prisonnier du camp d'Auschwitz. Cette décision avait pour but de ne pas représenter ou faire référence à une personne ayant existé. Ainsi, afin de préserver la mémoire de l'Holocauste et les expériences précises vécues, David Weil fait le choix de la représentation fictive... C'est un postulat pour le moins tendu, dont il ne nie pas la complexité :

Si la question philosophique est de savoir si on peut raconter des histoires sur l'Holocauste qui ne sont pas des documentaires, je crois que nous pouvons et devons le faire. Ma décision de fictionnaliser ce récit s'est faite en conscience, et Hunters prend le parti que les représentations symboliques fournissent un accès à une réalité émotionnelle et symbolique qui nous permet de mieux comprendre les expériences de l'Holocauste, avec une signification qui peut résonner avec les urgences de notre temps présent.

Si la démarche du créateur peut ainsi s'expliquer, il faut rappeler que les oeuvres célèbres sur le sujet, documentaires ou de fiction, tiennent à respecter l'histoire, comme le monument Shoah de Claude Lanzmann, La Liste de Schindler de Steven Spielberg, ou alors prennent le parti de la fiction de manière explicite, comme La Vie est belle de Robert Benigni par exemple ou le récent Jojo Rabbit de Taika Waititi.

En choisissant une pure fiction pour son récit de la traque des chasseurs de nazis dans les 70s, mais en laissant planer le doute sur les flashbacks, présentés comme les expériences réelles de ses personnages survivants, Hunters crée une ambiguïté, qui est au minimum problématique.