Tapie : le véritable procureur de l'affaire VA-OM a vu la série (et critique)

Tapie : le véritable procureur de l'affaire VA-OM a vu la série (et critique)

L'épisode final de "Tapie" montre une spectaculaire confrontation entre Bernard Tapie et le procureur chargé de l'affaire VA-OM. Un long dialogue où le procureur, incarné avec brio par l'acteur David Talbot, détruit méthodiquement et l'air de rien la démarche du dirigeant de l'OM. Le véritable magistrat, chargé de l'affaire à l'époque, a regardé la série et a donné son avis sur cette séquence.

Tapie se conclut en force

La série Tapie, qui retrace librement l'ascension et la chute de l'homme d'affaires et homme politique français Bernard Tapie, se clôt sur son incarcération en 1997 à la prison de la Santé. Une peine de huit mois de prison ferme, suite à sa condamnation pour corruption et subornation de témoin dans la retentissante affaire VA-OM. Mais avant ces images, le dernier épisode de la mini-série montre surtout la confrontation entre Bernard Tapie et le procureur de Valenciennes Éric de Montgolfier. Une longue et formidable scène de dialogue, où pendant 25mn les deux hommes s'affrontent.

Éric de Montgolfier (David Talbot) - Tapie
Éric de Montgolfier (David Talbot) - Tapie ©Netflix

La séquence est saisissante, notamment grâce à la performance de jeu formidable de David Talbot, l'acteur qui joue le procureur. Bien entendu, Laurent Lafitte n'est pas en reste, lui aussi captivant à cet instant. Le procureur en charge de l'affaire VA-OM est ici dépeint comme un homme d'une intelligence et d'une clairvoyance profondes, doté aussi d'une droiture morale à toute épreuve. Un magistrat incorruptible, prudent et un stratège formidable puisqu'il laisse Bernard Tapie se piéger tout seul plutôt que de l'attaquer directement.

Le véritable procureur, Éric de Montgolfier, aujourd'hui retraité, a regardé Tapie et a donné à France Info son opinion sur le portrait que la série a fait de lui. La scène de leur rencontre dans Tapie est entièrement fictive, mais les deux hommes se sont bien rencontrés dans le cadre de la procédure dans la réalité.

"Je ne me reconnais pas dans le côté sournois de ce procureur"

(Notre rencontre) n'était pas du tout improvisée. Bernard Tapie me l'a demandé, j'ai accepté. Dans la série, le procureur fait semblant de ne pas le reconnaître et fait le naïf, comme un jeu du chat et de la souris que je ne me voyais pas jouer. Dans le cours de la conversation, j'avais une stratégie peut-être un peu plus fine qui ne consistait pas à donner à l'intéressé, alors qu'il n'était pas officiellement impliqué dans le dossier, tous les arguments que je pouvais avoir contre lui. Je n'avais pas de preuves mais j'avais des éléments.

L'ancien procureur de Valenciennes pointe donc, sans s'en plaindre, des libertés prises avec les événements réels et donne sa version, l'authentique. Il souligne cependant que le portrait fait de lui ne l'a pas entièrement convaincu.

J'ai trouvé que c'était un travail plaisant, mais souvent, je me suis dit : non, ça, ce n'est pas moi. Certains jugent mon portrait assez flatteur, mais cela ne ressemble pas tout à fait à mes souvenirs. Là où je ne me reconnais pas, c'est dans le côté sournois de ce procureur. (...) Voilà, Bernard Tapie a voulu me voir. Il a commencé par se poser en personnage important, influent, sortant de l'Elysée, ce qui expliquait son retard. Il est venu m'expliquer le football, me parler de la fragilité des joueurs. Mais je n'avais rien à lui dire et certainement pas à lui faire la morale. C'est quelque chose qui m'a un peu gêné dans la série. Je ne crois pas que ce soit très digne d'un procureur de se moquer de celui qu'il pourrait un jour poursuivre.

Éric de Montgolfier relève ainsi que la série lui a donné un trait de caractère qu'il n'a pas, et suggéré qu'il aurait pu se prêter à un jeu du chat et de la souris, ce qui n'a pas été le cas. Mais il pourrait par ailleurs s'enorgueillir d'être un des personnages les plus mémorables de la série Tapie, et donc à l'origine de sa séquence la plus puissante.