Netflix : Alfonso Cuaron et les frères Coen taclés par l'AFCAE

Netflix : Alfonso Cuaron et les frères Coen taclés par l'AFCAE

Un débat qui commence à devenir vieux comme le monde. Les grandes œuvres sont-elles valables à n'être diffusées que sur grand écran ? À l'heure où les plus grands sceptiques pensent que le streaming tiraillent le cinéma, le Président de l’Association Française des cinémas Art et Essai a eu le droit à sa tribune dans "Le Monde". Le combat continue.

D'un point de vue purement objectif, Cinésérie.com est définitivement un acteur de la démocratisation du septième art. Nous, rédacteurs, journalistes, blogueurs, chroniqueurs, jouissons sans conteste du développement exponentiel du streaming (ici, Netflix), qui permet à la fois l'accessibilité à un répertoire riche de contenus ; films comme séries. C'est donc quelque chose dont nous faisons indubitablement partie, et donc, dont nous prenons, indéniablement, parti. Pour commencer, nous préférons volontairement employer le terme "septième art" plutôt que "cinéma". Mettre d'emblée en exergue un combat, qui a véritablement commencé au printemps 2017. À l'orée du fameux Festival de Cannes, le dernier Bong Joon-ho, Okja, fait polémique. Une production Netflix peut-elle concourir dans l'un des plus prestigieux festivals de cinéma au monde ? Deux ans plus tard, cette question demeure.

Comme précisé plus haut, il est difficile pour nous d'avoir un avis véritablement tranché. Netflix, dont les qualités de films se sont largement améliorées depuis son lancement en 2014, se hisse désormais parmi les poids lourds de la production... cinématographique. Oui, on l'a enfin dit. Ce mot, qui pour beaucoup parait "maudit", lorsqu'il est associé à une plateforme de streaming - donc tout sauf un grand écran traditionnel. Seulement voilà, le septième art avance avec son époque, dans l'air du temps. Celui de la dématérialisation et du flux de contenus. Un mal, ou un bien ?

"Ce n’est pas un choix, c’est une obligation"

À cette fameuse question, l’Association Française des cinémas Art et Essai a tenu bon d'y donner son avis, plutôt tranché, en publiant ce samedi 23 février une tribune dans l'édition du week-end du quotidien Le Monde.

"Que s’est-il passé  pour que cette longue relation de confiance et de mise en valeur de vos oeuvres sur grand écran, devant un public d’aficionados, s’arrête, comme ça, brutalement ?"

Voilà comment commence, grosso modo, la tribune écrite par le Président de l'association François Aymé. Dans cette longue tribune, que vous pouvez retrouver dans son intégralité ici, il s'adresse plus particulièrement à Alfonso Cuarón et... Les frères Ethan et Joel Coen. L'un a dévoilé l'un des plus beaux films de 2018, Roma ; les deux autres ont délivré un film burlesque à sketchs, La Ballade de Buster Scruggs. Le point commun entre les deux longs métrages ? Tous deux sont des commandes Netflix et ont été diffusés en exclusivité sur la plateforme. Si Roma a pu bénéficier de quelques projections (très très très rares) dans des salles obscures, il demeure à jamais un film Netflix. Qu'on le veuille ou non. Aymé continue :

"Ce n’est pas vous qui vous adaptez au public mais l’inverse : le public doit s’adapter aux choix que vous avez faits : confier l’exclusivité durable de votre dernière oeuvre à une plate-forme. Le choix que vous laissez à votre public, c’est : ou bien vous vous abonnez à Netflix et vous pouvez découvrir notre film sur un petit écran, ou bien vous ne le voyez pas. Ce n’est pas un choix, c’est une obligation (...) Cela s’appelle la privatisation d’une oeuvre. (...) Le choix de la diffusion exclusive et durable d’un film à l’ambition cinématographique sur une plateforme payante n’est pas un progrès mais une régression."

C'est un des arguments auquel on peut se joindre. Un film, quelle que soit son ampleur, sa durée, son équipe de production, offre en général une expérience sonore et visuelle calibrée. Il est vrai que le visionnage sur télévision (ou home-cinéma, mais ne jouons pas sur les mots) peut réduire l'immersion, à contrario d'une "véritable" salle de cinéma, équipée à l'occasion. Oui... et non. Car le spectateur est roi : c'est lui qui décide avant tout de comment regarder son film. C'est lui qui décide de sa propre expérience.

"Est-ce qu’un compositeur, un musicien, un chanteur renoncerait aux concerts sous prétexte que la plupart des gens écoutent ses oeuvres sur Youtube ou bien sur une plateforme dédiée ? (...) La vraie raison du passage de votre film exclusivement sur Netflix, elle est commerciale, financière. L’enjeu n’est pas de savoir qui regardera votre film et dans quelles conditions mais comment il sera financé et combien il rapportera." 

À cela, on ajoute qu'il peut être difficile, aujourd'hui, de concevoir un film sans son aspect financier. Trouver un distributeur, pouvoir profiter d'une diffusion globale sur le territoire français, on peut voir cela comme un luxe. Pour le cinéma d'auteur, Netflix peut être indéniablement une porte ouverte. Notamment en ce qui concerne le fameux premier film, dont un succès sur la plateforme pourrait décider de la diffusion probable, en salle cette fois-ci, des futures autres œuvres de l'auteur.e.

Vous l'aurez compris, nous avons là un débat sans fin. "À chacun sa réponse" termine François Aymé, et il a bien raison sur ce point.

On voudrait rappeler, avant tout, que les deux "camps" entretiennent malgré tout un point commun : l'amour du Cinéma. Qu'il soit sur smartphone ou dans une salle Imax, il peut avoir cette vocation a créer pour nous, humain, ne serait-ce qu'une quelconque émotion.