Le Cercle rouge : retour sur le tournage éprouvant de Bourvil, rongé par la maladie

Le Cercle rouge : retour sur le tournage éprouvant de Bourvil, rongé par la maladie

Référence du polar ayant influencé de nombreux cinéastes, "Le Cercle rouge" est l’un des derniers films de Bourvil avec "Le Mur de l’Atlantique". Le tournage du long-métrage de Jean-Pierre Melville a été éprouvant pour le comédien, qui a tenu à effectuer toutes ses scènes physiques malgré la maladie.

Le Cercle rouge : flic et voyous

Avant-dernier long-métrage de Jean-Pierre Melville qui précède Un flic, Le Cercle rouge marque son retour au film policier, genre duquel le réalisateur s’était écarté avec L’Armée des ombres. Le cinéaste retrouve ses criminels et flics en trench-coat pour un requiem où la mort envahit progressivement l’écran.

La première partie marque la rencontre entre deux criminels. Le premier, Corey (Alain Delon), est libéré pour conduite exemplaire après une peine de cinq ans effectuée à Marseille. Le second, Vogel (Gian Maria Volonté), s’évade d’un train alors qu’il est escorté vers la capitale par le commissaire Mattei (Bourvil).

Lorsque Vogel se réfugie dans le coffre de Corey, ce dernier le laisse sortir dans un endroit isolé. Arrivés à Paris, ils planifient le casse d’une bijouterie. Pour ce braquage, ils pourront compter sur l’aide de Jansen (Yves Montand), un ancien policier et tireur d’élite alcoolique passé de l’autre côté de la barrière. Mais en parallèle, Mattei met tout en œuvre pour les retrouver et leur tendre un piège.

Le Cercle rouge
Le Cercle rouge © Studiocanal

Long-métrage sur des malfrats respectant un code d’honneur pour tenter de repousser leur déchéance programmée, Le Cercle rouge est un sommet du polar. Une référence ayant notamment inspiré John Woo (Le Syndicat du crime), Quentin Tarantino (Reservoir Dogs) ou encore Takeshi Kitano (Sonatine), qui revendiquent son influence et plus globalement celle de l’œuvre de Jean-Pierre Melville sur leur travail.

Un tournage éprouvant pour Bourvil

Face à ces gangsters se dresse Mattei, amoureux des chats et policier solitaire suscitant la méfiance de sa direction. Un personnage formidablement interprété par André Bourvil, qui trouve ici l’un de ses rares rôles dramatiques. Quand il tourne le film au début de l’année 1970, l’acteur de La Traversée de Paris et Le Miroir à deux faces souffre de douleurs intenses, apparues à la suite d’une chute à vélo durant la préparation de la comédie Les Cracks en 1967.

Un an avant d’entamer les prises de vues du Cercle rouge, Bourvil apprend qu’il est atteint de la maladie de Kahler, un myélome multiple qui s’attaque au sang, aux os et aux reins. Le comédien décide de ne pas informer son entourage professionnel du diagnostic.

Pas de doublure

Comme l’explique Jean-Pierre Melville au cours d’un entretien avec Michel Drucker, l’acteur refuse toute doublure pour les scènes physiques. C’est par exemple le cas de la séquence d’évasion de Gian Maria Volonté et de la longue poursuite qui s’ensuit, à propos de laquelle le cinéaste déclare :

S’il n’avait pas été malade, ça aurait déjà demandé des qualités physiques et sportives, car il ne faut pas oublier que Bourvil a été un véritable colosse. Cette scène je l’ai tournée le 15 janvier 1970, c’est-à-dire six mois avant sa mort mais quand il était déjà extrêmement mal en point et qu’il souffrait horriblement. Il a refusé de se faire doubler comme tous les grands acteurs et il a tenu à courir lui-même.

Le Cercle rouge sort dans les salles françaises en octobre 1970. La maladie emporte Bourvil quelques jours plus tôt, le 23 septembre. Terriblement affaibli lors de son ultime rendez-vous avec Jean-Pierre Melville, le 5 août selon Paris Match, le comédien ne peut presque plus bouger. Mais là encore, il refuse de s’épancher sur le sujet, comme le raconte le réalisateur :

Il est mort avant d’avoir vu le film. La dernière fois que je l’ai vu, c’est le jour où je lui ai demandé de venir faire une dernière séance de post synchronisation avec moi, et je ne le savais pas, il était déjà couché et il attendait déjà la mort. Et il est venu. Il m’a joué la comédie en me disant : "Je vous prie de m’excuser de ne pas me lever mais j’ai une crise de colique néphrétique. Je souffre beaucoup". Je ne l’ai pas reconnu.