L’Insulte sur Arte : le point de départ du film s'inspire d'une situation vécue

Complexe et haletant !

L’Insulte sur Arte : le point de départ du film s'inspire d'une situation vécue

Dans "L’Insulte", un chrétien libanais et un réfugié palestinien s’affrontent au tribunal à la suite d’un échange mouvementé. Un film de procès passionnant pour lequel le réalisateur Ziad Doueiri s’est inspiré de son vécu.

L’Insulte : un film de procès complexe et haletant

Premier assistant opérateur de Quentin Tarantino sur Reservoir Dogs, Pulp Fiction et Jackie Brown, Ziad Doueiri entame une carrière de réalisateur en 1998 avec West Beyrouth. Il signe ensuite L’Attentat, la totalité de la première saison de Baron noir ou encore L’Insulte. Sorti en 2018, ce film de procès résume la capacité du cinéaste à se pencher sur des sujets éminemment complexes, en ne délaissant à aucun moment sa mise en scène au profit du message.

Le point de départ du long-métrage ne laisse pas présager la tournure que va prendre ce récit surprenant. L’Insulte se déroule à Beyrouth et est centré sur Tony (Adel Karam), un chrétien libanais. Installé dans un appartement avec son épouse enceinte Shirine (Rita Hayek), ce garagiste vit au-dessus d’un chantier supervisé par Yasser (Kamel El Basha), un réfugié palestinien.

Alors que la gouttière de Tony gène les ouvriers, Yasser lui fait part du problème mais est ignoré par son interlocuteur. Il décide donc de la réparer lui-même, ce qui énerve passablement le résident, qui lui jette de l’eau à la figure. Yasser perd son calme et insulte Tony. Ce dernier exige ensuite des excuses, qu’il n’obtient pas.

L'Insulte
L'Insulte © Diaphana Distribution

Une situation grotesque qui s’envenime très vite et emmène les deux protagonistes au tribunal. Plusieurs bascules et rebondissements imposent L’Insulte comme un film de procès haletant, où les affrontements face aux juges rappellent ceux de références comme Autopsie d’un meurtre, Le Verdict et Le Génie du mal.

Un long-métrage qui ouvre à la réflexion

Les joutes entre les avocats brillamment incarnés par Diamand Bou Abboud et Camille Salameh font progressivement émerger les souffrances et les rancœurs entre deux peuples. Ziad Doueiri expose des opinions et convictions opposées, en décortique les ressorts émotionnels profondément ancrés, évoquant notamment des faits historiques parfois ignorés, à l’image du massacre de Damour du 20 janvier 1976. Le réalisateur propose ainsi un long-métrage qui ouvre davantage à la discussion et la réflexion plutôt qu’à la prise de position.

Si le cinéaste - qui a grandi durant la guerre civile à Beyrouth avant de partir aux États-Unis à l’âge de 20 ans - s’interroge sur ces divergences et sur la possibilité d’une réconciliation, c’est parce qu’il y a été lui-même confronté, en partie au sein de sa famille. Interrogé par Télérama en 2018, Ziad Doueiri confie :

J’ai écrit le scénario avec ma femme, Joëlle Touma, sans chercher la provocation. Nous l’avons écrit pour confronter nos différences personnelles. Elle vient d’une famille chrétienne très sympathique mais sympathisante de la droite dure, et moi, d’une famille musulmane, laïque mais très pro-palestienne, qui a cru au panarabisme et à toutes ces belles idées qui se sont effondrées dans les années 1980. Nous nous sommes mariés, avons eu un enfant. Il se trouve que nous avons écrit le film en plein divorce, mais à l’amiable. Ma mère, qui est avocate, a participé aussi au film, comme conseillère juridique. Elle n’a pas cessé de lutter pour que j’arrondisse les angles et que je défende davantage la cause du réfugié palestinien. Je me disputais constamment avec elle, et nos querelles m’ont servi pour les dialogues du film !

Une situation vécue par Ziad Doueiri

Pour le point de départ de L’Insulte, le réalisateur a également puisé dans son vécu. Lors d’un passage sur France Inter, il raconte à propos de son échange houleux avec un plombier :

J'étais à Beyrouth en train d'arroser les cactus, il y a eu une fuite de ma gouttière, il y a eu des insultes, j'ai reconnu son accent palestinien, et là, j'ai dit la grosse insulte, "Ariel Sharon aurait dû vous exterminer". Joëlle Touma, la coscénariste du film, qui était derrière moi m'a dit que je ne pouvais pas dire ça, je me suis excusé, et l'histoire était réglée.

Au cours de la promotion du film, le cinéaste explique néanmoins que le plombier a d’abord refusé ses excuses. Ziad Doueiri a donc tenu à les présenter à son patron, qui lui a fait savoir qu’il renvoyait son employé. Cité par Allociné, le réalisateur a alors "immédiatement pris sa défense" face à cette injustice.