Foxtrot : les travers de la société israélienne en Blu-ray

Le réalisateur de « Lebanon » fait son retour au cinéma après 9 ans d’absence. « Foxtrot » embarque le public au sein d’un pays dont les plaies ouvertes par une histoire tragique ne cessent de le tourmenter génération après génération. Retrouvez les Blu-ray et DVD en magasin dès le 26 septembre.

Dirigé et écrit par Samuel Maoz (Total Eclipse), Foxtrot a récolté des recettes américaines estimées à hauteur d’environ 619 milles dollars. Malgré cette somme loin d’être exorbitante, l’œuvre s’est faite remarquer dans différents festivals au cours de ces deux dernières années. Il a ainsi remporté le Grand Prix du Jury et la récompense du Meilleur Film à la Mostra de Venise en 2017. Sa distribution ne s’est cependant pas faite sans polémique, provoquant un buzz médiatique au désarroi du gouvernement israélien.

Foxtrot : présentation et critique

Des soldats frappent à la porte de Michael (Lior Ashkenazi) et de Dafna Fieldmann (Sarah Adler) accompagnés d’une bien triste nouvelle. Leur fils, Jonathan (Yonaton Shiray) est décédé lors d’une mission. Tandis que la mère comate, le père, lui, devient incontrôlable. Il exige des comptes alors que son monde se dérobe sous ses pieds. Dans quelles circonstances a-t-il trouvé la mort ? Ont-ils retrouvé le corps ? Face à l’absence de réponses concrètes, la tension monte peu à peu. Il part se réfugier auprès de sa génitrice (Karin Ugowski), en maison de retraite. La femme ne semble pas en phase avec la réalité ou tout du moins ne désire pas afficher sa désolation.

Lorsqu’à son retour on lui annonce que c’était une erreur, que son enfant est bel et bien vivant, Michael perd les pédales. Il s’insurge face à un tel scandale et est pris de pulsions agressives que sa femme ne parvient pas à apaiser. L’homme commande le retour immédiat de Jonathan, allant jusqu’à rallier une connaissance hautement placée à sa cause. Dès lors, le scénario fait prendre part au quotidien du jeune homme et de ses coéquipiers jusqu’à ce qu’un drame vienne bouleverser leur existence.

Conçu en trois actes aux différentes atmosphères, Foxtrot est un condensé de sentiments humains s’étendant de l’émotion à l’agonie sans oublier des touches humoristiques venant relever le tout. Passer d’un genre à l’autre est un exercice complexe pouvant souffrir d’une terrible exécution en l’absence d’une maîtrise particulière. Heureusement, les transitions sont ici fluides et ne viennent pas entacher le récit qui se poursuit avec naturel. Dans le registre dramatique figure Michael. Le personnage est un être torturé esclave de ses traumatismes ramenés à la surface par l’annonce de la disparition de son enfant. Il ne sait quoi faire de ses dix doigts. Pour cette première partie de film, où la confusion règne en maître, Samuel Maoz a puisé son inspiration dans son propre vécu alors qu’il pensait que sa fille avait été assassinée dans un bus attaqué par des terroristes. Bien que ce ne fut pas le cas, cette crainte semble avoir laissé une trace indélébile dans son esprit. Difficile de s’exorciser d’un tel souvenir.

Il ne s’agit pas de l’unique projection personnelle que le réalisateur a couchée sur le papier puis transposée pour le grand écran. Il se sert de son influence afin de partager la représentation qu’il a de son pays natal au-delà de ses frontières. C’est l’armée israélienne qui en prend pour son grade même si le cinéaste ne se risque pas à la diffamation. Il y dresse le portrait d’une organisation paranoïaque aux membres en proie aux doutes, préférant enterrer la vérité que de s’y confronter en assumant leurs erreurs (comme en atteste le climax). Aucun d’entre eux ne s’en tire sans séquelle, peu importe la décennie durant laquelle s’est déroulé leur service militaire. De plus, ce deuxième arc use de métaphores élaborées pour transmettre le discours pessimiste du réalisateur quant à la situation dans laquelle se trouve l’Israël. La première a donné son nom au film. Le foxtrot, soit la danse où, peut importe les gestes que l’on entreprend, l’individu se retrouve toujours à la case départ. Ce cercle vicieux que rien ne paraît pouvoir abattre, c’est ce contre quoi lutte le cinéaste mais aussi le protagoniste qui échange sa Torah contre un numéro de Playboy.

La métaphore suivante est celle du barrage routier, ou plus précisément de la baraque déjà décrépie dans laquelle logent les recrues. Au fil des minutes, cette habitation de fortune commence à flancher et s’enfonce tête la première dans le sol. Elle s’enlise dangereusement dans la boue, menaçant de disparaître en cas de non-intervention. N’est-ce pas là le tableau que Maoz se fait de son pays au sol peuplé de cadavres ?

Les éditions commercialisées

À l’instar de The Rider, Blaq Out habille le DVD et le Blu-ray de sa nouveauté d’un fourreau cartonné élégant. Un petit plus toujours apprécié qui permet d’accrocher le regard et confère d’autant plus de valeur à l’objet. En outre, l’éditeur est actuellement le seul à proposer Foxtrot sur support physique à travers le monde. Bien joué.

De gauche à droite : DVD, Blu-ray

Test Vidéo/Audio

Les informations concernant l’usage de la pellicule ou du tournage 100% numérique n’ont pas été officiellement confirmées. Il en est de même de la résolution du master final. Le cinéaste retrouve Giora Bejach à la photographie. Tous deux ont déjà collaboré par le passé, notamment à l’occasion de Lebanon en 2009. Difficile de qualifier le résultat autrement qu’en mobilisant le terme « splendide ». Oui, le Blu-ray en met plein les mirettes. De nuit comme de jour, la saturation aboutit à des images vibrantes à l’apparence naturelle malgré une tendance à s’appuyer davantage sur le bleu/vert et le gris.

La galette bleue restitue à la perfection une qualité vidéo à la précision chirurgicale où les ombres côtoient des zones de lumière vives tout en évitant de brûler les blancs. Les plus beaux exemples de cette lutte entre ces deux luminosités opposées ont lieu lors des gros plans sur le visage de Michael Feldmann, telle la parfaite métaphore de son combat intérieur. Aller de l’avant ou se vautrer dans les ténèbres à cause d’un passé sinistre ? Tel est son dilemme judicieusement rendu tangible à l’œil. Son regard clair est flatté par l’éclairage qui rend sa couleur saisissante et aucun détail n’échappe au public. Texture de la peau, pilosité, cheveux… La netteté et le piqué font figure de référence.

Deux pistes en versions originales sont accessibles. L’une en DTS-HD 2.0, l’autre en DTS-HD 5.1. La seconde mentionnée est évidemment plus immersive en offrant un environnement plus vaste composé d’éléments sonores plus découpés dans l’espace. Si une scène particulièrement violente fait gronder les basses, le long-métrage est surtout composé de dialogues clairs et d’instants de silence pesant. Venant agrémenter ces pistes : la musique d’Amit Poznansky (Footnote) et d’Ophir Leibovitch (Magic Men). À retenir : le passage du foxtrot particulièrement dynamique. Il ne vous reste plus qu’à vous entraîner dans votre salon. Aucun doublage français n’est disponible.

Test Bonus

L’interactivité de la galette bleue n’est pas très fournie, mais l’audience a tout de même de quoi s'en mettre sous la dent grâce à une interview exclusive conduite auprès du réalisateur. À celle-ci s’ajoute un court-métrage qui est idéal pour ceux que l’approche de Maoz ne laisse pas indifférent.

  • Entretien avec Samuel Maoz (23:04 min) : l’homme revient sur ses motivations à l’écriture de l’œuvre alors qu’il juge la société israélienne traumatisée « historiquement » et « émotionnellement ». Il se focalise ensuite sur la structure de Foxtrot composé de trois arcs bien distincts ainsi que sur l’importance de la dimension visuelle. L’ensemble est ponctué d’anecdotes dont l’une des plus déstabilisantes concerne Lior Ashkenazi. L’acteur s’est en effet privé de sommeil durant le tournage dans l’optique d’imposer à son personnage à bout de nerfs cette mine hantée.
  • The End, court métrage de Samuel Maoz (1:39 min) : en moins de deux minutes, le cinéaste critique l’omniprésence des médias alors qu’un patient décède dans un hôpital. Du moins selon les apparences. La référence à Citizen Kane (1941) en fera sourire plus d’un.

Conclusion

Note de la rédaction

Le malaise du réalisateur est palpable alors qu’il retranscrit son opinion de l’Israël dans « Foxtrot ». Sa critique se veut franche et pertinente alors qu’il alterne entre méthodes contournées ou percutantes en dépit d’un rythme global très lent. La photographie exaltante est servie par un Blu-ray ultraléché aux suppléments minces dépourvus de making-of. Barème : Film ★★★ / Vidéo ★★★★★ / Audio ★★★★★ / Bonus ★

Bilan très positif

Note spectateur : Sois le premier