As bestas : le film avec Marina Foïs est-il inspiré d'une histoire vraie ?

As bestas : le film avec Marina Foïs est-il inspiré d'une histoire vraie ?

Grand film de 2022, "As bestas" de Rodrigo Sorogoyen présente Marina Foïs et Denis Ménochet dans un thriller haletant et tragique, qui se déroule dans la campagne galicienne en Espagne. Un film de pure fiction ou inspiré de faits réels ?

Rodrigo Sorogoyen à son meilleur

Avec As bestas, le cinéaste espagnol Rodrigo Sorogoyen (retrouvez notre interview ici)a solidifié son statut de cinéaste contemporain de premier plan. Thriller rural, chronique politique, drame humain, la richesse de son film interdit qu'on le réduise à une seule ambition. Célébré lors de sa présentation au Festival de Cannes 2022 dans la section Cannes Premières, couronné de 9 Goyas et récompensé par le César du Meilleur film étranger en 2023, As bestas raconte le destin tragique d'un couple de français, Antoine (Denis Ménochet) et Olga (Marina Foïs), nouvellement installés en Galice. Là, occupés par leur exploitation agricole, ils se heurtent aux locaux, tout particulièrement Xan (Luis Zahera) et Lorenzo (Diego Anido), deux frères.

Le point de discorde : l'installation d'éoliennes sur les terres du village, mais Antoine et Olga s'y opposent. La tension va se construire, et s'intensifier jusqu'au drame et à son explosion de violence...

As bestas
As bestas ©Le Pacte

Fiction de cinéma, As bestas est cependant un film très réaliste et en pleine prise de thématiques contemporaines. Et pour l'écrire, Rodrigo Sorogoyen, accompagnée de sa collaboratrice Isabel Peña, s'est librement inspiré d'une histoire vraie.

"A Margo"

Alors que le film s'achève, une dédicace s'affiche sur l'écran noir : A Margo. Ce prénom est celui qui ramène directement au dramatique fait divers qui a inspiré les auteurs d'As Bestas. Margo Pool, de son nom complet, est la veuve de Martin Verfondern. Ce couple de néerlandais a quitté Amsterdam en 1998 pour s'installer dans le village de Santoalla do Monte, en Galice. Là, ils veulent faire un retour à la terre, la cultiver et élever des brebis.

Ils commencent par sympathiser avec la seule famille qui vivait encore là, les Rodriguez, un couple de septuagénaires et leurs deux enfants trentenaires. Mais venu le moment de partager, comme la loi y oblige, les profits collectifs issus de la vente de bois des forêts du village et auxquels Martin et Margo ont droit en tant qu'éleveurs, les ennuis commencent. Jusque-là seule famille à en tirer profit, les Rodriguez refusent alors le partage.

Martin Verfondern et Margo Pool
Martin Verfondern et Margo Pool ©Rop Zoutberg

Intimidations physiques, vol de matériel, saccage des cultures... Si la brouille a une origine différente dans le film de Rodrigo Sorogoyen, certains éléments sont authentiques. Par exemple, dans l'histoire vraie, Martin subit le harcèlement des deux frères Rodriguez, dont le plus jeune est déficient sur le plan intellectuel. Dans As bestas, Antoine et Olga sont menacés par les frères Xan et Lorenzo, Lorenzo étant le cadet, lui aussi légèrement déficient. Le fait encore que Martin ait truffé leur propriété de caméras, et qu'il se déplaçait toujours avec un caméscope pour filmer les interactions qu'il pouvait avoir avec ses belliqueux voisins. Comme Antoine dans As bestas.

Et puis, un jour de janvier 2010, Martin Verfondern disparaît. Le drame qui sera a posteriori nommé "Le crime de Petin" vient d'avoir lieu.

Un laissez-aller criminel des institutions

Il faudra quatre ans et demi pour retrouver la voiture de Martin, en partie brûlée, à vingt petits kilomètres du village. Et quelques mois encore pour que Juan Carlos, le cadet de la famille Rodriguez, déclare par inadvertance avoir abattu "le néerlandais" à des policiers en civil. Il aurait dit aux agents, qui le flattaient sur son fusil :

Il vous plaît ? Dans la montagne, j'ai 500 balles cachées dans un sac... Avec l'automatique, je n'en rate pas un... Le Néerlandais voulait s'en prendre à nous pour les pins, il venait avec sa voiture comme un fou, j'ai pris le fusil et boum boum... Je me suis caché, ils n'ont qu'à me chercher...

Dans As bestas, la résolution du crime est différente, puisque c'est Olga qui, à force de recherches, convaincue qu'Antoine n'a pas disparu de lui-même ou n'a pas été victime d'un accident, retrouve le caméscope enfoui dans la forêt, permettant ainsi aux enquêteurs de concentrer leurs fouilles et retrouver le corps.

Si ce fait divers a eu autant de retentissements, c'est parce que Martin et Margo ont alerté tôt les autorités qu'ils subissaient des menaces et des intimidations, preuves à la clé. Ils pressentaient le drame, ont demandé de l'aide, mais les institutions ont fait la sourde oreille. Des manquements qui ont participé à la tragique issue de ce conflit, et qui ont été tus par la suite. Au terme du procès qui s'est tenu en 2018, Juan Carlos Rodriguez a été condamné dix ans et demi de prison. Margo vit elle toujours à Santoalla do Monte.