On a classé tous les films de Michael Mann, du moins bon au meilleur

On a classé tous les films de Michael Mann, du moins bon au meilleur

L'exercice était compliqué, et après moult changements de dernière minute, voici finalement notre classement des 12 longs-métrages de Michael Mann, du "Solitaire" (1981) à "Ferrari" (2024), du moins bon au meilleur.

Michael Mann en 12 films

Tout au long de sa carrière, Michael Mann a développé une filmographie passionnante. Le cinéaste a proposé des films marquants dont l'impact sur le cinéma est indéniable. Rares ont été ses ratés, ce qui rend d'autant plus difficile l'exercice du classement. Mais avec la sortie de Ferrari, le douzième long-métrage du réalisateur après presque dix ans d'absence, il fallait bien s'y mettre. Précisons cependant d'emblée que dans le cas de Michael Mann, un film placé en bas du classement n'est pas pour autant mauvais. Et même ses oeuvres les moins réussies sont à voir et à revoir.

12) La Forteresse noire (1981)

Pas de réelle prise de risque de notre part en plaçant La Forteresse noire dernier de notre classement. Il faut dire que le deuxième long-métrage de Michael Mann a eu une production très compliquée (Wally Veevers, le superviseur des effets spéciaux visuels, est mort pendant le tournage) et le montage a été grandement remanié. Prévu pour une durée de 210 minutes, il a été réduit à 120 minutes. Cela se ressent évidemment dans le résultat final. D'ailleurs, le cinéaste a lui-même renié cette étrange proposition, sorte de film d'horreur fantastique sous fond de Second Guerre mondiale.

La Forteresse noire ©Paramount Pictures
La Forteresse noire ©Paramount Pictures

Le film se déroule en Roumanie en 1941 dans un petit village où se rendent des soldats allemands. Ils prennent alors possession d'une forteresse où se trouve une mystérieuse créature. Un Golem, issu des légendes juives, qui va tenter de gagner la confiance d'un professeur pour réussir à s'échapper de sa prison.

11) Public Enemies (2009)

Public Enemies contient des séquences grandioses. Comme l'impressionnante fusillade dans la forêt, obtenue grâce à l'utilisation de Mann avec le numérique. Il est aussi passionnant de voir John Dillinger, figure du grand banditisme dans les années 1930, évoluer dans un monde de plus en plus moderne (on pense au Dernier des Mohicans), et être dépassé en conséquences. Seulement si Christian Bale convainc par sa capacité à se mettre en retrait et au service du film, Johnny Depp est lui peut-être trop dominant justement. C'est paradoxalement ce qui donne au film un déséquilibre au sein d'une œuvre qui aurait pu être grandiose.

10) Hacker (2015)

Hacker est dans la lignée de Public Enemies, un film inégal malgré des fulgurances. Comme dans le long-métrage porté par Johnny Depp, on y trouve une approche passionnante de la part de Michael Mann qui propose une œuvre probablement en avance sur son temps. Difficile de suivre cette histoire de hacker qui bouleverse l'économie mondiale par des attaques cybernétiques. Mais le réalisateur continue d'innover visuellement (l'introduction qui met en scène l'attaque d'un logiciel), d'offrir des séquences musclées marquantes et de placer des instants forts, comme lorsque le personnage de Viola Davis s'écroule devant des tours, renvoyant à son trauma du World Trade Center. Et même si Chris Hemsworth n'est en rien exceptionnel, la présence de Tang Wei est elle très appréciable.

Hacker ©Legendary Pictures
Hacker ©Legendary Pictures

9) Ferrari (2024)

Ferrari est peut-être le film de Michael Mann qui s'éloigne le plus de ce qu'on connaissait du réalisateur. Bien sûr, ses thématiques sont toujours là avec un Enzo Ferrari qui tente de compartimenter tous les éléments de sa vie. Il y a son mariage avec Laura qui n'a plus de raison d'être, sa nouvelle vie de famille avec Lina Lardi, et sa mission professionnelle pour sauver son usine. Cette figure mythique du sport automobile est un pur personnage mannien dans ce portrait du réalisateur. Mais le cinéaste fait véritablement un pas de côté par rapport à ses films précédents.

Ferrari de Michael Mann ©Prime Video
Ferrari ©Prime Video

Cherchant davantage à filmer le deuil d'un homme, loin des mégalopoles que Michael Mann a si souvent utilisées, et à un moment de sa vie où tout est chaotique. De plus, par l'absence de surprise visuelle (il y a quelque chose d'assez classique dans l'image, mais une mise en scène qui reste maîtrisée), Ferrari peut laisser de marbre au premier visionnage. L'analyse qu'on peut en tirer après coup pourrait alors surpasser le film en lui-même. (voir notre critique)

8) Ali (2001)

Ali a été un échec à sa sortie en salles. Pourtant, Michael Mann adopte là une approche plus classique en s'intéressant au célèbre boxeur. Ce qui rend le film moins mémorable que d'autres du cinéaste, mais pas moins maitrisé. Le réalisateur fait d'ailleurs un choix intéressant en se concentrant sur la période la plus compliquée du sportif. En refusant de prendre position pour les États-Unis durant la guerre du Vietnam, Mohamed Ali s'attira les foudres du gouvernement qui s'arrangea pour le suspendre. On retrouve donc un homme en lutte face aux instances gouvernementales, qui ne peut plus faire ce pourquoi il est le meilleur. Michael Mann présente aussi un portrait complexe du personnage, sans éluder ses imperfections morales, de la même manière que pour Ferrari.

7) Le Solitaire (1981)

Il y avait déjà tout Michael Mann dans Le Solitaire. Son premier long-métrage met en scène un cambrioleur qui souhaite faire un dernier gros coup avant de prendre sa retraite. Sauf que son envie de se ranger pour fonder une famille sera contredite autant par les instances du gouvernement (une demande d'adoption rejetée) que par son employeur qui ne souhaite pas le laisser partir. Tout au long de la carrière de Michael Mann, on a retrouvé ces hommes qui sont dans l'incapacité de combiner vie personnelle et professionnelle. Sous ses airs de petit polar, Le Solitaire est en cela un film profond et tragique, porté par un grand James Caan et la musique envoutante de Tangerine Dream.

Le Solitaire de Michael Mann ©United Artists
Le Solitaire ©United Artists

6) Le Sixième sens (1986)

Si le grand public connaît bien Le Silence des agneaux (1991), il oublie souvent que la première représentation d'Hannibal Lecter au cinéma a eu lieu avec Le Sixième sens (Manhunter en VO). Pourtant, avec ce thriller qui tend vers l'horreur, Michael Mann a mis en place des codes du genre par son approche extrêmement réaliste. On y suit le profiler Will Graham chargé de traquer un tueur en série. Pour tenter de comprendre ce dernier, il fait appel à Lecktor qui purge sa peine en prison.

Le Sixième sens est là encore un film sur un homme qui peine à combiner vie professionnelle et personnelle. Son travail qui consiste à se mettre dans la peau du tueur ayant un impact psychologique sur lui et sa vie de famille. Ses conversations avec sa femme font partie des plus beaux plans de Michael Mann (dans une chambre aux couleurs bleutées ou devant un coucher de soleil). Et la façon dont le réalisateur film les décors et l'architecture de la ville est absolument remarquable. Sans oublier l'effroi qu'on ressent devant ce tueur incarné par Tom Noonan, tandis qu'il développe une relation avec une femme aveugle. A n'en pas douter, le plus angoissant des films de Michael Mann.

5) Le Dernier des Mohicans (1992)

Dernière adaptation à ce jour du roman éponyme de James Fenimore Cooper (1826), Le Dernier des Mohicans est un superbe film historique sur un moment important de l'Histoire de l'Amérique. En pleine guerre de la Conquête, Français et Britannaniques se sont affrontés en bénéficiant chacun de l'aide de différents clans amérindiens. Michael Mann en tire une oeuvre épique et romantique dans laquelle se combinent parfaitement le récit amoureux entre Daniel Day-Lewis et Madeleine Stowe, et la problématique plus large de la disparition à venir d'un peuple.

Le Dernier des Mohicans, c'est avant tout l'histoire d'hommmes libres impliqués malgré eux dans un conflit qui ne les concernent pas. Mais malgré leur refus initiale de se soumettre aux ordre de la Couronne, Nathaniel, son père et son frère adoptif, finiront par intervenir. Avec eux, Michael Mann questionne la justice, les lois et la vengeance, et met comme souvent en avant l'absence d'héroïsme qu'il y a à mourir, qu'importe la cause. La fin tragique va évidemment dans ce sens, avec la mort d'Uncas, inutile puisqu'elle n'aura pas permis de sauver Alice, qui préfère se suicider dans une scène finale éprouvante.

4) Collatéral (2004)

Tom Cruise en tueur impassible et Jamie Foxx en conducteur de taxi paniqué. Voilà comment on pourrait résumé Collatéral. Un concept génial sur le papier, qui voit le premier s'offrir les services du second le temps d'une nuit durant laquelle il compte éliminer plusieurs personnes. Mais Michael Mann va au-delà de la sympathique série B qu'aurait pu donner un tel pitch. Car c'est encore et toujours ses personnages qui fascinent. Entre Vincent, froid et méticuleux, qui fonctionne en suivant des règles stricts, et Max, dépassé par les événements, il y a bien plus à en tirer. Car tous les deux évoluent délicatement en laissant entrevoir leur complexité.

A cela s'ajoute l'intéligence de la mise en scène de Mann, qui ne laisse rien au hasard, même dans le placement de Tom Cruise derrière Jamie Foxx selon les moments du film. Le réalisateur a enfin offert avec Collateral l'un de ses passages hors du temps les plus mémorable, avec ces deux coyotes qui traversent la routent dans une symbolique puissante, portée par la musique d'Audioslave.

3) Miami Vice (2006)

Miami Vice est probablement le film le plus romantique de Michael Mann, et c'est pour ça qu'on l'aime autant. On ne compte plus les séquences du film ancrées dans notre esprit. Du premier plan en boîte de nuit sur Numb/Encore de Linkin Park et Jay-Z, aux derniers instants de Colin Farrell et Gong Li, avec cette phrase "Time is luck" qui déchire le cœur. Malgré ses imperfections, le film touche dans ses moments les plus intimes (aussi entre Jamie Foxx et Naomie Harris), sans oublier d'offrir un spectacle d'action que peu de réalisateurs seront capables d'atteindre. Là encore, l'usage du numérique offre au long-métrage un style visuel très particulier. Et même si ses deux interprètes principaux en font parfois un peu trop, Miami Vice s'apprécie toujours plus à chaque visionnage.

Miami Vice Michael Mann ©Universal Pictures
Miami Vice ©Universal Pictures

2) Révélations (1999)

Révélations aurait pu aisément se retrouver en tête de ce classement, tant Michael Mann y maîtrise son art. Aucune fausse note dans ce film pour raconter l'histoire de Jeffrey Wigand, un scientifique qui décida de s'opposer aux géants du tabac. Son témoignage a mis en lumière les véritables dangers du tabagisme et les pratiques de l'industrie. Mais Michael Mann montre que dénoncer la vérité a un prix dans ce monde. Il n'y a ainsi pas de happy end pour ce témoin, porté par un Russell Crowe autistique magistral, ou pour le journaliste Lowell Bergman (Al Pacino dans une retenue étonnante). Faussement classique, Révélations contient des séquences que Mann met en scène avec une vraie virtuosité visuelle. À l'image de cette peinture en arrière-plan qui se transforme en souvenir pour Wigand qui a tout perdu. Un des grands moments de Mann pour un des plus grands films noirs contemporains.

1) Heat (1995)

S'il n'est pas très original d'avoir placé La Forteresse noire en bas de notre classement, ça ne l'est pas non plus de mettre Heat en tête. Mais comment ne pas mettre au-dessus un tel chef-d'œuvre sur lequel on pourrait disserter pendant des heures ? Heat est un immense polar, porté par un casting parfait, des principaux aux plus secondaires. Bien sûr, les braquages et les fusillades sont d'une puissance folle. Évidemment que le charisme d'Al Pacino et Robert De Niro fait des ravages. Que la précision et le souci du détail de Mann offrent une plongée unique dans le monde criminel à Los Angeles, grâce à un parfait combo de réalisme et de spectaculaire. Et on pourrait revenir sur ce rapport au temps qui hante les personnages. Mais n'oublions pas aussi et surtout l'aspect dramatique du film qui le rend si émouvant.

Heat ©Warner Bros.
Heat ©Warner Bros.

Le réalisateur ayant cette capacité à créer une forte empathie pour chacun des protagonistes, qu'importent qu'ils n'apparaissent qu'un instant. Comme cette mère endeuillée qu'Al Pacino prend dans ses bras. On est en effet autant bouleversé par cette dernière que par Natalie Portman en adolescente délaissée par ses parents, par l'ultime geste d'Ashley Judd envers Val Kilmer, ou encore par cette dernière poignée de main entre Al Pacino et Robert De Niro sur laquelle débute Over The Face of the Waters de Moby. Un ultime morceau qui maintient le spectateur dans une bulle après avoir assisté à une œuvre aussi à part.