La présence de Netflix au festival de Venise fait polémique

La présence de Netflix au festival de Venise fait polémique

Partout où Netflix passe, Netflix fait parler. Après la polémique de Cannes, c'est au tour de la polémique de Venise.

La Mostra de Venise 2018 est sur le papier une véritable démonstration de force. Après un Cannes décrié pour une sélection en demi-teinte ayant privilégié la nouvelle génération, voir un tel programme laisse rêveur. On ne va pas tous les citer mais, toutes sélections confondues, Venise peut aligner les noms de Damien Chazelle, Joel et Ethan Coen, Olivier AssayasYórgos Lánthimos, Jacques AudiardAlfonso CuarónLászló NemesBradley Cooper et on en passe. Si cette liste de noms ne vous provoque rien, c'est que vous ne devez pas aimer le cinéma. Ajoutez à cela un Guillermo del Toro en président du Jury, aidé par des gens comme Nicole Garcia, Christoph Waltz ou Naomi Watts, et vous avez un aperçu de ce qu'il va se passer en septembre prochain du côté de Venise.

Alors, bien entendu, aligner des beaux noms ne fait pas tout. Les films, eux, doivent se montrer à la hauteur de l'événement sinon l'intérêt en sera amoindri. Mais lorsqu'on sait que l'on attendait la moitié d'entre eux à Cannes et qu'ils se retrouvent ailleurs, on se dit que quelque chose ne tourne pas forcément rond cette année - il faut aussi comprendre que certains films n'étaient pas prêts en mai.

Le cas Netflix pose toujours problème

Après l'expérience Okja, le Festival de Cannes a précisé sa position au sujet de Netflix. Le problème étant qu'un film présent à Cannes, en Compétition Officielle, doit absolument avoir le droit à une sortie dans les salles. Critère qu'un film Netflix ne peut pas remplir. Vexé face à cette position, le géant américain n'était pas présent sur la Croisette et ce malgré des titres qui auraient pu prétendre venir. On pense au Roma d'Alfonso Cuarón avant tout. Ayant le champ totalement libre, Venise n'a pas réfléchi à deux fois avant de sélectionner 6 films estampillés Netflix ! Trois sont en compétitions (Roma, 22 july de Paul Greegrass et The Ballad of Buster Scruggs des frères Coen), On My Skin est dans la sélection Horizons et deux autres (The Other Side of the Wind et They'll Love Me When I'm Dead) sont hors-compétition.

Alberto Barbera, chef du festival, n'a pas manqué de souligner que Venise bénéficiait du différent entre Netflix et Cannes. Car en Italie, pas de chronologie des médias en vigueur. Il aurait eu tort de se priver.

Je ne vois aucune raison d'exclure de la compétition du festival un film de Cuaron ou des frères Coen uniquement parce qu'il a été produit par Netflix.

Mais voilà, l'annonce a fait son effet et maintenant des voix dissonantes se font entendre. Les organisations professionnelles des exploitants de cinéma italiens, l'ANEC (Association Nationale des Exposants du Cinéma) et l'ANEM (Association Nationale des Exposants Multiplex), se sont montrées critiques envers cette pratique. La faute à la sortie simultanée d'un film dans leurs salles et sur la plateforme. Alberto Barbera s'est justifié en expliquant que son rôle était de monter une programmation, pas de s'occuper de la distribution.

Un marché italien en péril

La colère des professionnels concerne surtout On My Skin, un film italien prévu pour faire l'ouverture de la section Horizons et qui sortira dans les salles italiennes le 12 septembre, en même temps que sa mise en ligne sur Netflix. L'état actuel du box-office local force les distributeurs à essayer de défendre leurs intérêts. Et ils reprochent clairement à Venise de favoriser un acteur important au détriment de plus petites structures, dans un marché à l'équilibre précaire. Ils auraient préféré que le festival agisse avec un peu plus de diplomatie, en les défendant ou, au moins, en les conviant à discuter en amont de la situation. Ce qui n'a pas été fait. On peut les comprendre, aucun délai significatif ne sépare la sortie salle sur leur territoire et la mise en ligne sur Netflix. Cette concurrence risque de leur faire mal, sachant que les pirates ne se privent pas de mettre en ligne illégalement le contenu exclusif Netflix.

La direction du festival ne s'est pas encore exprimée sur le sujet.