Mean Streets : ce moment où Martin Scorsese a compris l'immense talent de Robert De Niro

Mean Streets : ce moment où Martin Scorsese a compris l'immense talent de Robert De Niro

En 1973, Robert De Niro crève l'écran dans "Mean Streets", sa première collaboration avec Martin Scorsese. Pendant le tournage d'une scène culte, le réalisateur a pris conscience de l'immense talent de son futur acteur fétiche en le voyant improviser.

Mean Streets : la naissance d'un grand cinéaste

Après plusieurs courts-métrages réussis (It's Not Just You, Murray !The Big Shave), un premier film brouillon mais porteur de plusieurs de ses thématiques (Who's That Knocking At My Door) et une production Roger Corman intéressante mais inaboutie (Boxcar Bertha), Martin Scorsese signe son premier chef-d'oeuvre en 1973 avec Mean Streets. Un projet qu'il écrit avec son ami Mardik Martin (New York, New YorkRaging Bull), avec lequel il parle du Lower East Side dans lequel il a grandi et qu'il tourne sur les recommandations de John Cassavetes, qui lui conseille de se consacrer à quelque chose de personnel.

Mean Streets
Charlie (Harvey Keitel) - Mean Streets ©Carlotta Films

De la voix off à l'utilisation de classiques du rock - la fabuleuse entrée de Johnny Boy dans le bar sur le morceau Jumpin' Jack Flash des Rolling Stones - en passant par des éclats de violence crue inattendus ou encore le tiraillement et la culpabilité du protagoniste, une grande partie du cinéma de Martin Scorsese est déjà présente dans Mean Streets. Un film dans lequel Harvey Keitel prête ses traits à Charlie, alter ego du cinéaste qui vit de combines et rêve de pouvoir tenir un restaurant grâce à son oncle mafieux Giovanni (Cesare Danova), et qui considère que "l'on ne rachète pas ses péchés à l'église" mais qu'on le fait "dans la rue, ou à la maison".

Une petite frappe qui fait tout pour contenir son meilleur ami Johnny Boy (Robert De Niro), un chien fou qui accumule les dettes et qui se met à dos Michael (Richard Romanus), caïd en devenir du quartier. Au fil des jours, les problèmes s'accumulent et la tension monte, Charlie ne parvenant pas à mettre un terme à la spirale destructrice de Johnny Boy.

Le film qui a tout changé pour Robert De Niro

Avant Taxi DriverRaging BullCasino ou encore The Irishman, Mean Streets est la première collaboration entre Martin Scorsese et Robert De Niro. S'il a déjà tourné à plusieurs reprises sous la direction de Brian De Palma et qu'il s'est fait remarquer pour sa performance dans le drame Le Dernier match, le rôle de Johnny Boy marque un tournant pour l'acteur.

Mean Streets
Johnny Boy (Robert De Niro) - Mean Streets ©Carlotta Films

Le comédien devient l'un des visages du Nouvel Hollywood, au même titre qu'Al Pacino ou Dustin Hoffman. Un an après Mean Streets, l'adepte de la Méthode remporte un Oscar pour Le Parrain, 2e partie et fait un sans-faute pendant une décennie. Sur le tournage de Mean Streets, Robert De Niro dévoile à Martin Scorsese son don pour l'improvisation, qui donnera quelques années plus tard naissance au célèbre monologue devant le miroir de Taxi Driver.

"Il a compris l'univers, l'ambiance et l'atmosphère du film"

C'est lorsqu'il tourne le passage où Johnny Boy cherche à fuir une conversation sur ses dettes avec Charlie que le réalisateur prend véritablement conscience de l'immense talent de son acteur fétiche. Lors d'un entretien accordé à Deadline en 2020, le cinéaste se souvient :

J'ai vu qu'il (deviendrait l'un des grands acteurs de sa génération) pendant le tournage de Mean Streets, en particulier quand il a insisté pour improviser une scène entre Harvey Keitel et lui, que nous avons tournée le dernier jour. (...) La façon dont il se comportait, dont il arrivait à s'approprier plein de références, de personnes que nous connaissions...

Nous nous connaissions plus ou moins quand nous avions 16 ans, mais nous nous étions perdus de vue. Puis, en 1970, 1971, nous nous sommes retrouvés. (...) Il a compris l'univers, l'ambiance et l'atmosphère (de Mean Streets). Il savait parfaitement comment se tenir, quel chapeau porter, il maîtrisait tout et avait une confiance totale en ce qu'il faisait.

Quand nous avons travaillé ensemble sur Taxi Driver, j'ai su que c'était quelque chose d'extraordinairement spécial. Nous n'avons jamais vraiment discuté clairement de ce que nous ressentions vis-à-vis de la vie ou de la moralité. Durant tous nos films qui explorent cela, je ne pense pas qu'on l'ait déjà évoqué dans nos conversations, jusqu'à aujourd'hui. Mais au fil des années avec Bob, j'ai eu confiance en le fait qu'il voudrait faire le choix le plus moral possible, en tant que personne et en tant qu'acteur.

Mean Streets est à voir ou revoir sur MUBI, qui consacre un cycle à Robert De Niro pour son 80e anniversaire qu'il fêtera le 17 août 2023, également composé d'Il était une fois en AmériqueBrazilRoninLa Valse des pantins et Heat.