Les Dents de la mer : pourquoi Steven Spielberg a failli passer à côté du film ?

Un requin ou une baleine ?

Les Dents de la mer : pourquoi Steven Spielberg a failli passer à côté du film ?

Lorsqu’il met en scène "Les Dents de la mer", Steven Spielberg a seulement signé "Sugarland Express" pour le cinéma. Embauché par Richard D. Zanuck, le jeune réalisateur débarque sur le projet pour remplacer un confrère qui n’a vraisemblablement pas compris le concept du film.

Les Dents de la mer : baignade interdite

Durant l’été 1975, Steven Spielberg change la face de l’industrie hollywoodienne avec Les Dents de la mer, considéré comme le premier blockbuster estival. Tourné pour environ dix millions de dollars, alors que le budget initial était de 2,5 millions, le film en rapporte 470 dans le monde. Il s’impose comme le plus grand succès de l’histoire du cinéma, avant d’être détrôné deux ans plus tard par Star Wars, épisode VI : Un nouvel espoir.

Chef d’œuvre ayant engendré un sous-genre, constitué de rejetons plus ou moins glorieux parmi lesquels Peur bleue, Sharknado ou encore En eaux troubles, Les Dents de la mer révèle un réalisateur ingénieux qui a su transformer ses contraintes en langage cinématographique. Le long-métrage s’ouvre sur une plage de la station balnéaire Amity, sur laquelle une jeune femme se lance dans un bain de minuit qui lui sera fatal.

Les Dents de la mer
Les Dents de la mer © Universal Pictures

Une introduction qui repose en partie sur le point de vue du requin qui s’en prend à elle, dont les différentes versions mécaniques fonctionnaient très mal, ainsi que sur les deux notes géniales et oppressantes de John Williams. Après la découverte du corps, le shérif Martin Brody (Roy Scheider) souhaite interdire les plages aux baigneurs en attendant d’en savoir plus sur les circonstances du décès. Mais le maire Larry Vaughn (Murray Hamilton) l’en dissuade, ne voulant pas faire fuir les touristes pour les célébrations du 4 juillet. Une décision calamiteuse. Pour tenter de stopper le squale, Brody pourra tout de même compter sur l’aide de l’océanographe Matt Hooper (Richard Dreyfuss) et du chasseur Bart Quint (Robert Shaw).

Un tournage éprouvant pour Steven Spielberg

Explosion du budget, retards accumulés, tensions entre Richard Dreyfuss et Robert Shaw régulièrement alcoolisé, naufrage imprévu de l’Orca… Les Dents de la mer est une véritable épreuve pour Steven Spielberg. Alors qu’il n’en est qu’à son deuxième film pour le cinéma après Sugarland Express, le jeune réalisateur pense durant le tournage qu’il n’a pas d’avenir à Hollywood. Par la suite, il déclarera notamment :

Je pensais que ma carrière de cinéaste était terminée.

Mais l’adaptation du roman éponyme de Peter Benchley devient donc un immense succès. S’il rencontre dans les années qui suivent d’autres échecs comme 1941, le nom de Steven Spielberg devient définitivement incontournable grâce à Les Aventuriers de l’arche perdue et E.T., l’extra-terrestre.

Un requin ou une baleine ?

À l’origine, Steven Spielberg n’est pas le premier choix des producteurs Richard D. Zanuck et David Brown. Ces derniers engagent d'abord Dick Richards, metteur en scène d’Adieu ma jolie et Il était une fois… la Légion, qui n’a alors signé que le western La Poussière, la sueur et la poudre.

Le cinéaste est néanmoins renvoyé après un déjeuner au cours duquel il laisse entendre qu’il n’a pas saisi la nature de la menace dans Les Dents de la mer. Comme le raconte le producteur Mike Medavoy – qui soumet l’idée d’une adaptation à Zanuck – dans l’ouvrage You’re Only as Good as Your Next One, Dick Richards aurait présenté sa vision du long-métrage de la sorte pendant le repas :

Le film débute. Nous sommes dans un village de pêcheurs tranquille. Les habitants vaquent à leurs occupations. La caméra s’étend sur l’eau et soudain, une baleine géante jaillit de nulle part.

Au-delà du fait que cette introduction ne joue pas vraiment sur l’art de la suggestion, le terme "baleine" fait tiquer Richard D. Zanuck. Le producteur répète à plusieurs reprises à Dick Richards qu’il s’agit d’un requin. En vain. Le réalisateur continue d’évoquer une baleine, ce qui tracasse de plus en plus l’écrivain Peter Benchley, qui enchaîne les Martini avec désarroi à la table. Zanuck fait ensuite renvoyer Richards et le remplace par Steven Spielberg. La suite des événements est depuis entrée dans les annales.